Les maîtres du Nil

L’Égypte remporte pour la deuxième fois d’affilée la Coupe d’Afrique des nations. Un exploit qui ne doit rien au hasard.

Publié le 19 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Des bacchantes drues ornent un visage hâlé couronné par une tignasse grise et éclairé par un large sourire et une dentition d’une blancheur immaculée qui lui avait valu, dans les années 1970, le surnom d’Ingram (une marque de dentifrice). Hassan Shehata aime soigner sa mise tout comme, footballeur, il peaufinait son style. Enfant du Caire, où il est né le 19 juin 1949, et fils d’Ezzamalek, où il se forgea un riche palmarès national, Shehata a participé à trois CAN (1974, 1976 et 1980), sans toutefois connaître la consécration.
À partir de 1983, il s’occupe des équipes de jeunes. Puis bourlingue dans les royaumes du Golfe. En 2001, on lui confie la sélection des moins de 20 ans, qu’il conduira au titre de champion d’Afrique en 2003. Le 28 novembre 2004, la fédération égyptienne limoge l’Italien Marco Tardelli et demande à Shehata d’assurer l’intérim. Le Maalem (le maître) s’entoure de deux champions d’Afrique 1986, Shawqi Gharib et Hamada Sedqi. Et puise largement dans les rangs des trois grands clubs locaux, Al-Ahli, Ezzamalek et Al-Ismaïli. Trois pyramides du football égyptien dont on connaît les structures professionnelles, la politique de formation des jeunes (notamment à Al-Ismaïli) et, surtout, la solide expérience en matière de joutes africaines depuis 1982. Leurs joueurs, rémunérés et encadrés à l’européenne, ont appris à voyager sur le continent et ne craignent plus les duels musclés. S’il ne ferme pas la porte de la sélection aux expatriés, Shehata privilégie la « culture clubs ».
Premier pari réussi, le 10 février 2006. Devant son public, l’Égypte conquiert son cinquième trophée continental. Reconduit dans ses fonctions, le Maalem renouvelle partiellement son effectif et remodèle, par petites touches, son système de jeu. Pour la campagne de Ghana 2008, il constitue un groupe homogène et s’appuie sur deux pivots : Wael Gomaa, le stoppeur, et Mohamed Abou Trika, le playmaker d’Al-Ahli. Deux lieutenants sur le terrain qui connaissent par cur la recette du Maalem : sécurité, conservation du ballon, grâce à une relance précise et latérale, et contre-attaque.
À Kumasi, lors du match de poule face au Cameroun, l’Égypte annonce d’entrée la couleur : un gardien de but d’expérience (Essam Hadary), une défense compacte constituée par deux stoppeurs (Gomaa et Mohamed Shady), un couvreur décidé (Ibrahim Saïd), deux latéraux très entreprenants (Ahmed Fathi et Saïd Moawad), un écran défensif mobile (Ahmed Hassan ou Mohamed Shawqi), deux demis récupérateurs et constructeurs (Hosny Abd Rabou et Abou Trika) et deux attaquants décalés (Emad Moteab, ou Mohamed Zidan, et Amr Zaki). Et ce dispositif ne va pas varier tout au long du tournoi. Fidélité à une ligne de conduite, confiance dans le même noyau de titulaires et relations tout en dignité avec les joueurs.
Au plan du jeu, le souci permanent des Pharaons de faire circuler le ballon a été décisif : il leur a permis d’élaborer des contre-attaques en supériorité numérique. Contre-attaques facilitées par les montées de Fathi et de Moawad, les décrochages et la mobilité de Moteab ou de Zidan et la force de percussion de Zaki. Au bout du compte, les seize buts égyptiens ne doivent rien au hasard. Conçus collectivement et réalisés individuellement. Avec talent. Aucun observateur n’oubliera le superbe doublé de Zidan face au Cameroun, les quatre buts d’Abou Trika, le coup de tête magistral de Zaki face aux Éléphants, les quatre frappes imparables de Hosny
Shehata a réussi un double exploit : remporter deux CAN d’affilée et donner une sixième couronne à son pays. Jamais victoire à l’extérieur ne fut aussi sérieusement planifiée. Le Maalem et ses protégés ont apporté la preuve, s’il en était besoin, que pour bien jouer au ballon, il n’est point besoin de « sorcier blanc », ni d’un trop-plein d’expatriés. Une leçon à méditer

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