Le grand rapprochement ?

Zine el-Abidine Ben Ali et Abdelaziz Bouteflika réaffirment avec force leur volonté d’impulser aux relations bilatérales « un nouvel élan » en vue de l’intégration économique tant rêvée.

Publié le 18 février 2008 Lecture : 3 minutes.

« On vit une lune de miel. Jamais les relations algéro-tunisiennes n’ont été aussi bonnes, que ce soit au plus haut niveau ou à celui des peuples » Ce jugement, c’est celui d’un homme d’affaires tunisien implanté en Algérie. Il commentait la rencontre, le 7 février, à Tunis, entre le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika. Les deux hommes se sont engagés à resserrer les liens entre les deux pays à l’occasion du cinquantième anniversaire du martyre du village de Sakiet Sidi Youssef (voir J.A. nos 2456 et 2457), symbole du soutien de la Tunisie à la lutte de libération nationale algérienne. Les deux chefs d’État ont évoqué un « destin commun » et réaffirmé avec force leur volonté d’impulser aux relations bilatérales « un nouvel élan » en vue de la complémentarité et de l’intégration économique tant rêvées.
Des paroles qui ont suscité de nouveaux espoirs mêlés de scepticisme, ce discours sur le rapprochement n’étant pas totalement nouveau. Les deux pays n’ont, il est vrai, aucun contentieux et les relations entre Ben Ali et Bouteflika sont au beau fixe. À la fin de sa visite, ce dernier à tenu à rendre un hommage appuyé à ce qu’il a appelé le « projet du président Ben Ali, fondé sur l’instauration d’une économie évoluée et équilibrée et la conciliation entre l’appartenance de la Tunisie à son environnement arabo-islamique et son interaction positive avec les exigences de son époque ».
La lutte commune contre le terrorisme a permis de nouer une coopération très étroite entre les services de sécurité des deux pays tout le long d’une frontière de 965 km pour déjouer, à de rares exceptions près, les tentatives d’infiltrations. Près de un million de touristes algériens se rendent en Tunisie chaque année, plus particulièrement pendant les vacances d’été. Depuis cinq ans, il y a un regain d’intérêt du secteur privé pour développer la coopération économique (voir encadré). Les échanges commerciaux (749 millions de dinars en 2007) ont crû de moitié entre 2006 et 2007, notamment à la faveur de l’augmentation de l’approvisionnement de la Tunisie en gaz algérien.
Le président Bouteflika l’a reconnu. Le bilan de la coopération avec la Tunisie est « positif », mais il « demeure toutefois en deçà des attentes et des ambitions des deux pays ». Dès lors, il parle de « relancer » les relations bilatérales vers des « horizons prospères » et de « lever tous les obstacles entravant la dynamique de rapprochement et de coopération entre les deux pays ».

Accord commercial en vue
Comment aller plus loin ? Si l’on en juge par les propos des deux présidents, le grand pas sera franchi d’ici à l’été prochain, lorsque la Grande Commission mixte se sera réunie pour faire le point sur trois grands dossiers : conclusion d’un accord commercial préférentiel et facilitation des investissements réciproques ; coopération tous azimuts dans le domaine énergétique ; facilitation de la libre circulation des personnes avec la reconnaissance des permis de conduire des deux pays et l’ouverture récente du nouveau poste frontière de Melloula, dans le Nord-Ouest tunisien, en attendant l’achèvement du « projet du siècle », l’autoroute est-ouest en Algérie.
L’accord commercial préférentiel, en négociation depuis avril 2006, devrait être conclu « prochainement ». Bouteflika et Ben Ali en ont parlé. Il comporterait une exonération totale des droits de douane, immédiate pour certains produits, progressive pour d’autres, comme le fait l’Algérie depuis deux ans pour les produits européens et comme elle s’apprête à le faire avec son adhésion prochaine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les exportations tunisiennes devraient en tirer avantage, l’Algérie constituant un marché de 32 millions de consommateurs dont le pouvoir d’achat est en constante progression du fait de l’augmentation des recettes pétrolières. Mais la portée du futur accord reste limitée : il n’implique pas d’effets multiplicateurs car il n’est ni un accord de libre-échange, ni un accord d’intégration ou d’union économique.
Si grand rapprochement il y a, ce sera donc vraisemblablement du côté du partenariat dans le domaine énergétique et des investissements dans les infrastructures mais, de cela, on ne parle pas publiquement. Pourtant, l’idée fait lentement son chemin : avec un large surplus de recettes pétrolières algériennes (110 milliards de dollars de réserves de change), des opportunités d’investissements sans précédent s’offrent aux uns et aux autres. L’Algérie dans le secteur énergétique tunisien et la Tunisie dans les grands marchés publics algériens comme dans l’industrie et les services. C’est là que la volonté politique exprimée par Ben Ali et Bouteflika est le plus attendue.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires