Le fantôme de Benazir
Le parti de l’ancienne chef du gouvernement assassinée est le grand favori des élections législatives du 18 février.
Hasard du calendrier, le coup d’envoi de la campagne pour les élections législatives du 18 février a presque coïncidé avec les cérémonies marquant, le 7 février, le quarantième jour de la mort de Benazir Bhutto, l’ancienne Première ministre assassinée à Rawalpindi, le 27 décembre. Une foule nombreuse a bravé la menace de nouvelles attaques terroristes mais, très vite, l’émotion a laissé place aux calculs politiques. La lecture publique du testament de la défunte a confirmé le rôle central d’Asif Ali Zardari, le très controversé mari de Benazir (quand celle-ci était aux affaires, sa propension à prélever une dîme sur les marchés publics lui avait valu le surnom de « monsieur 10 % »), dans la direction du Parti du peuple pakistanais (PPP), auquel les sondages promettent plus de 50 % des 341 sièges de la Chambre basse du Parlement.
Reporté à deux reprises, le scrutin est évidemment capital pour l’avenir du Pakistan. Contesté de toutes parts, le président Pervez Musharraf (« Busharraf », comme le brocardent ses – nombreux – adversaires) s’est engagé auprès de ses partenaires occidentaux à organiser une consultation transparente et régulière et à en respecter le résultat. Il paraît donc promis à une cohabitation jusqu’à la fin de son mandat de cinq ans (commencé le 29 novembre 2007). La Ligue musulmane pakistanaise (PML), son parti, et la kyrielle de petites formations qui la soutiennent ne devraient pas en effet recueillir plus de 15 % des suffrages.
Outre le vote de sympathie dont devrait bénéficier le PPP, l’hostilité à l’égard de Musharraf sert d’argument électoral à toutes les autres formations d’opposition. C’est ainsi que l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif devrait consolider son implantation dans son fief du Pendjab. Même la société civile se mobilise pour faire barrage à Musharraf et à ses amis. Quant aux islamistes, ils surfent sur une puissante vague de regain religieux : plus de trois Pakistanais sur quatre sont désormais favorables à la charia comme seule source du droit.
Le moins que l’on puisse dire est que la campagne électorale n’a rien d’un long fleuve tranquille. Même placés sous haute protection policière, des meetings électoraux sont régulièrement la cible d’attentats suicides et se transforment en carnage. Des régions entières (Waziristan, Balouchistan, zones tribales du Nord-Ouest) échappent au contrôle du pouvoir central. L’état d’urgence a certes été levé le 15 décembre, mais l’armée et les tout-puissants services secrets, qu’il s’agisse de l’Inter-Services Intelligence (ISI), du Military Intelligence ou de l’Intelligence Bureau (censé être un service civil, celui-ci est en fait dirigé par un général), demeurent des acteurs politiques incontournables. Tout indique donc que les généraux auront leur mot à dire quant au choix du Premier ministre appelé à partager le pouvoir avec Musharraf.
Avant de rentrer de son exil dans les Émirats arabes unis, en octobre 2007, Benazir Bhutto avait obtenu de Musharraf la promesse du poste de Premier ministre et, accessoirement, de l’extinction des poursuites judiciaires contre Asif Ali Zardari. Son assassinat remet-il en cause ce deal ? Rien n’est moins sûr. Il est vrai que le PPP a tendance à faire de la surenchère (il rejette notamment les conclusions de l’enquête de Scotland Yard attribuant aux islamistes la responsabilité de l’attentat du 27 décembre), mais il ne s’agit que d’une manuvre politicienne visant à entretenir le courant de sympathie dont il bénéficie actuellement – alors que les autres opposants l’accusent de s’être allié avec le « diable » Musharraf. En revanche, on imagine mal Asif Ali Zardari être nommé Premier ministre, en raison des « casseroles » qu’il traîne derrière lui. Le poste pourrait donc revenir à Makhdoum Amin Fahim, un compagnon de longue date de Benazir.
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