La méthode Annan

Publié le 18 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Kofi Annan, l’ex-secrétaire général des Nations unies (1997-2006), n’a pas perdu la main. Médiateur dans la crise kényane sous l’égide de l’Union africaine, il a, le 14 février, marqué un nouveau point : dans un lodge du parc national de Tsavo-Ouest, loin des fauteurs de troubles de Nairobi, il a réussi à convaincre Mwai Kibaki et Raila Odinga de signer un accord, dont les détails devaient être précisés. Cinq jours plus tôt, il avait obtenu des deux rivaux, dont la lutte pour la magistrature suprême a provoqué l’embrasement du pays (1 000 morts et 300 000 déplacés depuis la présidentielle du 27 décembre), un accord de principe sur la « nécessité » d’une solution politique.
Sa mission ne s’était pourtant pas engagée, le 22 janvier, sous les meilleurs auspices. D’abord, à cause de la maladie. Annan aurait dû arriver à Nairobi une semaine auparavant, mais, selon sa porte-parole, « une forte grippe » l’en avait empêché. Ensuite, en raison d’un fâcheux précédent. Du 8 au 10 janvier, son compatriote John Kufuor, alors président en exercice de l’UA et médiateur dans la crise kényane, n’avait pas réussi à organiser une rencontre entre les deux rivaux. Pourtant, dès le 24 janvier, une photo a bel et bien immortalisé la première poignée de main entre Kibaki et Odinga, avec, en arrière-plan, un Kofi Annan arborant un sourire prudent.
En près de quatre semaines d’une médiation dont il espérait, au départ, qu’elle n’excéderait pas une dizaine de jours, celui-ci n’a jamais perdu de vue son principal objectif : enrayer la violence pour que les négociations puissent se tenir sur des bases – relativement – saines. Grâce aux multiples appels au calme lancés à l’adresse des deux camps et à l’appui discret de quelques « amis » (les Sud-Africains Cyril Ramaphosa et Desmond Tutu, la Mozambicaine Graça Machel, l’ancien président tanzanien Benjamin Mkapa), il y est à peu près parvenu. Auréolé de son prix Nobel de la paix (2001) et de son expérience onusienne, il a fini par apparaître aux yeux de Kibaki et d’Odinga comme la seule solution. L’un ou l’autre aurait-il refusé de négocier avec « saint Kofi » que sa crédibilité politique se serait aussitôt écroulée. Auprès des Kényans, bien sûr, mais aussi de la communauté internationale, qui a unanimement soutenu l’ancien diplomate, son émissaire de facto. Annan a en effet reçu les encouragements de Condoleezza Rice, dépêchée sur place par George W. Bush, de la Commission européenne, du Royaume-Uni et même, le 1er février à Nairobi, de son successeur à la tête de l’ONU, le Sud-?Coréen Ban Ki-moon.
Le médiateur a en outre eu l’habileté de suggérer qu’un accord de partage du pouvoir soit entériné par le Parlement, où le camp d’Odinga dispose d’une très étroite majorité. Solution qui présente le double avantage d’être démocratique et de ne pas être imposée de l’extérieur. Made in Kenya, en somme.

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