« Il Cavaliere » remis en selle

Publié le 18 février 2008 Lecture : 5 minutes.

Il a reculé sur la liste des hommes les plus riches du monde – où, selon le magazine Forbes, il ne figure plus, le pauvre, qu’en 51e position ! La justice italienne continue de s’intéresser à lui, et après le malaise cardiaque qui l’a terrassé, l’an dernier, à la tribune de l’Assemblée nationale, certains se sont empressés de prononcer son oraison funèbre politique. Pourtant, à la stupéfaction générale, Silvio Berlusconi, empereur des médias et leader de l’opposition de centre droit, est en passe de réussir un improbable come-back.
Sa longévité est telle que, si les résultats des élections des 13 et 14 avril confirment ceux des sondages, il pourrait être nommé président du Conseil pour la troisième fois. Et accueillir en 2009, sur une île proche de sa villa de Sardaigne, son troisième sommet du G8 (après Naples en 1994 et Gênes en 2001). Lorsque ses adversaires, et même certains de ses partisans, plaident pour l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants en Italie, ses amis font remarquer qu’il a, à un mois près, le même âge (71 ans) que John McCain, le probable candidat républicain à l’élection présidentielle américaine – qu’il pourrait donc retrouver lors de ce même sommet.
Grâce aux miracles de la chirurgie esthétique, Berlusconi paraît aujourd’hui plus jeune – surtout sur le plan capillaire ! – qu’en 2006, lorsqu’il fut battu de 24 000 voix par Romano Prodi, dont le fragile gouvernement de centre gauche a été contraint à la démission par la défection d’un de ses membres.
« Je suis toujours un homme du peuple, qui comprend le peuple », déclarait-il à Rome, à la mi-novembre, devant un parterre de jeunes gens enthousiastes auxquels il présentait son nouveau parti. De fait, il reste fidèle à son image de tribun populiste résolu à tourner la page de l’ordre ancien, de grand défenseur des libertés incessamment me nacées par l’ogre communiste, de self-made man passionné de football et profondément attaché à sa famille (il n’a cessé de rendre visite à sa vieille mère jusqu’à la mort de celle-ci, le 3 février, à l’âge de 97 ans).

Feuilleton judiciaire
Mais les cinq années qu’il a passées au pouvoir, entre 2001 et 2006 – le record pour un président du Conseil italien de l’après-guerre -, ont mis à mal sa popularité. Personne n’a oublié que son long règne a été marqué – sans même parler de ses pitreries ! – par une stagnation du pouvoir d’achat, les chamailleries incessantes de sa coalition et la mort de soldats italiens dans la folle équipée irakienne.
Une grande partie de l’activité parlementaire a été consacrée à protéger Berlusconi et ses amis des foudres de la justice. Tout récemment encore, un tribunal de Milan a mis fin aux poursuites engagées contre lui à propos de la vente d’un groupe alimentaire, dans les années 1980. Il a considéré que les accusations de manipulations comptables étaient rendues caduques par une loi adoptée en 2002. Les avocats de Berlusconi, selon lesquels tous les procès qui lui sont faits relèvent de la vendetta, affirment qu’il aurait été acquitté de toute façon.
À y regarder de plus près, la position de Berlusconi n’est pourtant pas aussi solide qu’il y paraît. Forza Italia, son parti, ne devance que de très peu dans les sondages le nouveau Parti démocrate de Walter Veltroni, le maire de Rome, qui pourrait succéder à Prodi à la tête de la coalition de centre gauche. À la question « Quel homme politique vous paraît le plus qualifié pour gouverner ? », 17 % des Italiens répondent Berlusconi et Gianfranco Fini, le patron de l’Alliance nationale (post-fasciste), et 16 % Veltroni.
La force d’Il Cavaliere, comme le surnomment ses compatriotes, repose sur trois piliers :
1. son habileté politique, amplement démontrée quand il était au pouvoir ;
2. l’influence que lui donne une fortune évaluée à 8 milliards d’euros, mais aussi, et surtout, les innombrables chaînes de télévision et journaux qu’il possède ;
3. les faiblesses de la coalition Prodi.
Berlusconi est assurément sans scrupules et calculateur. Mais il sait aussi se montrer, aux dires de ses amis, sympathique et attentionné. Et il adore prendre des risques.
Le sénateur Nino Randazzo raconte que le chef de Forza Italia lui a fait miroiter une réélection assurée et un poste de secrétaire d’État aux Affaires étrangères s’il votait contre Prodi lors du débat budgétaire de novembre 2007. « Le bateau est en train de sombrer », a-t-il insinué. Randazzo a décliné l’offre en expliquant qu’il savait nager.
Nullement découragé par cet échec, Berlusconi a poursuivi ses manuvres de torpillage du gouvernement Prodi. Il a d’abord rebaptisé son parti « Peuple de la liberté » (au lieu de « Allez l’Italie ! »), remobilisé ses partisans, et resserré ses liens avec Giancarlo Fini et Pier Ferdinando Casini, un autre ténor du centre droit. Pour finir, il n’a pas hésité à engager des négociations avec Veltroni sur la réforme électorale. « La technique de Berlusconi, explique Piero Testoni, autre parlementaire de Forza Italia, est de mettre en avant une foule de dauphins potentiels, mais ce n’est que de la poudre aux yeux : il n’a nulle intention de lâcher les commandes. »
Quoi qu’il en soit, les contacts pris avec Veltroni ont ouvert des brèches dans la coalition de centre gauche. Redoutant de faire les frais de la réforme électorale, les petits partis ont déserté le navire et acculé Prodi à la démission après que, le 24 janvier, le Sénat a refusé de voter la confiance au gouvernement.
Le camp Berlusconi évoque à présent l’hypothèse d’une « grande alliance » avec le Parti démocratique, ce qui, inévitablement, va susciter de nouvelles querelles intestines. Le « Cavalier » laisse également entendre qu’il pourrait n’assumer la présidence du Conseil que pendant une partie de la législature. Et qu’il pourrait ensuite se porter candidat à la présidence de la République. Nouvelle manuvre ? On ne sait.
Son sens tactique mis à part, c’est évidemment son empire médiatique qui assure à Berlusconi un tel pouvoir et une telle longévité. Outre les trois chaînes TV qu’il possède, il exerce en effet sur la Rai, le réseau de chaînes publiques, une influence considérable.
Un ministre sur le départ considère que le gouvernement Prodi a été systématiquement l’objet de tentatives de déstabilisation médiatique. Avec ses collègues de g auche, il s’insurge : comment expliquer que, pendant toutes les années où Berlusconi n’était pas au pouvoir, les gouvernements de centre gauche successifs aient été incapables de faire voter une loi prohibant la confusion entre les responsabilités politiques et le contrôle des médias ?
Médisances communisantes, répond Berlusconi. Organisons des élections et laissons le peuple décider.

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