En attendant la réconciliation nationale

La « nouvelle stratégie » décidée par George W. Bush voilà un an a été payante : les perspectives d’une stabilisation sécuritaire et politique sont désormais moins illusoires.

Publié le 18 février 2008 Lecture : 4 minutes.

Cinq ans après l’invasion américaine, l’Irak reste en proie à la barbarie et au chaos. Attentats-suicides, mise au jour de charniers, pertes américaines on ne voit pas le bout du tunnel. Mais cette impression ne reflète pas exactement la réalité. Tout au long de 2007, des changements discrets se sont produits, aussi bien sur le plan sécuritaire que politique. Les perspectives d’une stabilisation deviennent moins illusoires. Et si un retrait des forces américaines paraît pour le moment exclu, les États-Unis pourraient envisager un réexamen de leur présence impliquant leur réduction et leur redéploiement.
Il faut dire que la « nouvelle stratégie » décidée par George W. Bush en janvier 2007 a fini par porter ses fruits. Faisant peu de cas de l’Iraq Study Group dirigé par James Baker et Lee Hamilton, qui recommandait une approche diplomatique et un retrait échelonné des troupes, le président avait opté pour le « sursaut » (« surge ») et l’envoi de 30 000 soldats supplémentaires. Un nouveau commandant en chef de l’armée, le général David Petraeus, a été désigné. La sécurité de la capitale a été élevée au rang de priorité. Le plan élaboré s’inspire de Saddam Hussein avec sa fameuse Garde républicaine. En outre, des murs en béton ont été érigés autour des quartiers dévastés par les attentats à la voiture piégée et ils ont rapidement montré leur efficacité.

Harkis patriotes
Les régions sunnites dominées par Al-Qaïda ont connu à leur tour un « autre sursaut ». Les atrocités commises contre la population civile qui se tenait à l’écart du djihad ont favorisé la constitution de groupes d’autodéfense. Baptisées As-Sahwa (« le Réveil »), ces milices ont mobilisé des vétérans de l’armée de l’ancien régime, des chefs de tribu ainsi que des jeunes sunnites révoltés par les massacres des leurs. Subventionnés et armés par les Américains, ces harkis patriotes comptent plus de 75 000 hommes. Faisant désormais la loi dans les quartiers hier contrôlés par Al-Qaïda, ils ont acquis une légitimité incontestable auprès de la population et des Américains. Forte de son succès, As-Sahwa, surtout ses éléments les plus jeunes, souhaite intégrer les forces de l’ordre irakiennes (police et armée). Le gouvernement Nouri al-Maliki, dominé par les chiites (depuis que la coalition sunnite a claqué la porte en août 2007), ne le voit pas d’un bon il, redoutant que les nouvelles recrues n’obéissent à des réflexes étroitement communautaires et se retournent contre les autres.
La « réconciliation nationale », qui figurait en bonne place dans la « nouvelle stratégie » de Washington, si elle a connu quelques progrès, est loin d’être acquise. Une autre loi sur la débaasification a été promulguée début février pour corriger les outrances aberrantes de la première, élaborée sous Paul Bremer au lendemain de l’invasion. Intitulée « Responsabilité et justice », elle abroge les mesures frappant les cadres moyens de l’ancien parti unique. Quelque 30 000 sunnites seulement vont toucher leur pension ou retrouver leur emploi. Des milliers de fonctionnaires sont au chômage. D’autres sont systématiquement écartés des centres de pouvoir, tels les ministères de l’Intérieur ou de la Défense. Parmi les sunnites, nombreux sont ceux qui n’ont aucune envie de servir dans des départements contrôlés désormais par les chiites. Quant à ceux qui ont rejoint l’insurrection, ils se demandent si les nouvelles dispositions ne constituent pas un subterfuge destiné à les faire sortir de la clandestinité pour les liquider Du côté chiite, la défiance à l’égard des sunnites n’a pas faibli. Ces derniers sont accusés de vouloir infiltrer les rouages du pouvoir et même de fomenter un coup d’État.

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Facteur temps
Si les relations entre chiites et sunnites restent empreintes de défiance et de suspicion, l’alliance qui lie chiites et Kurdes et sur laquelle repose le nouveau régime bat de l’aile. Les Kurdes traversent une mauvaise passe. Avec la Turquie, c’est la guerre, mais leurs rapports se sont également dégradés avec la Syrie et l’Iran. Les Américains, leurs alliés privilégiés, les ont lâchés et ont approuvé les frappes de l’aviation turque contre les positions du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à la fin de 2007. Et les voilà abandonnés par le Premier ministre Maliki et les partis chiites. Le référendum qui devait rattacher Kirkouk au Kurdistan est renvoyé aux calendes grecques. Les sociétés pétrolières ne peuvent plus traiter avec la région autonome sous peine de perdre leur partenariat avec le gouvernement central. En fait, on assiste à une redistribution des cartes qui ne semble pas à l’avantage des Kurdes. Ceux-ci tablent sur l’éclatement de l’Irak pour instaurer leur État propre, mais toute entreprise de réconciliation nationale, engageant les communautés chiites et sunnites, passe par le maintien d’un État irakien – fût-il fédéral -, un et indivisible.
Le facteur temps n’est pas étranger à ce repositionnement des différentes communautés. Jusqu’à présent, chacune d’elles temporisait, estimant que le temps travaillait pour elle. Avec la fin du mandat de Bush, ce n’est plus le cas. Les États-Unis auront un nouveau président et leur politique irakienne sera par la force des choses différente. Le degré de changement dépendra de diverses inconnues, militaires, politiques, économiques, mais aussi d’une donnée parfaitement connue : la détermination des Irakiens à vivre – et à gouverner ensemble.

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