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Mises au point au début des années 1990 notamment par des pirates informatiques nigérians, les escroqueries via le Web se développent. Et touchent toujours plus d’internautes appâtés par la promesse de millions de dollars.
Si vous êtes un internaute, cela vous est sûrement arrivé. Un e-mail qui vous annonce la grande nouvelle : « Félicitations pour votre gain : nous sommes heureux de vous annoncer que le tirage de la loterie internationale Afrique du Sud 2010, qui s’est tenue à Zurich, en Suisse, est tombé sur votre adresse e-mail correspondant au numéro B9665 75604546, numéro de série 96560 Vous avez gagné le prix d’un montant total de 2 millions de dollars américains en espèces. » Autre version : « Cher gagnant, nous sommes heureux de vous informer du résultat des programmes internationaux de gagnants de la loterie Bill Gates Foundation, qui s’est tenue la semaine dernière à notre siège sis à Londres. Votre adresse mail attachée au numéro 95700151000-6425 a donné cette combinaison gagnante 5-14-67-72-08-40 Vous avez donc été choisi pour percevoir la somme forfaitaire hors taxe de 250 000 euros. »
Vous voilà donc millionnaire. Bien entendu, vous n’avez jamais entendu parler d’une quelconque loterie organisée en Suisse, mais où est le problème ? Votre adresse mail n’a-t-elle pas été tirée au sort ? Certes, le message comporte quelques fautes d’orthographe, mais vos destinateurs ne sont-ils pas anglophones ? Rien d’anormal donc. À vous la villa de rêve, la rutilante Mercedes, les vacances à Las Palmas, la carte American Express
Tom Ericson, 68 ans, homme d’affaires scandinave, a fait toute sa carrière dans une banque internationale. Rien à voir avec le profil type du pigeon. Et pourtant Comme le raconte le quotidien britannique The Financial Times, le businessman a récemment perdu 46 000 livres (61 700 euros, soit 40,5 millions de F CFA) dans une fausse loterie prétendument organisée par Microsoft. En octobre 2007, Tom apprend par un courriel qu’il vient de remporter, au terme d’un tirage au sort, 500 000 livres. Microsoft, géant américain de l’informatique, c’est du sérieux. Forcément. « L’heureux gagnant » décroche son téléphone et compose le numéro indiqué au bas du message. Au bout du fil, la voix est douce et rassurante. Un chèque lui sera envoyé incessamment sous peu, lui promet-on. Petite précision : Tom doit régler au plus vite 541 livres. Rien de bien méchant, les frais de dossier, vous comprenez. Immédiatement, l’homme d’affaires envoie la somme par Western Union, l’entreprise spécialisée dans le transfert d’argent. Quelques jours plus tard, nouveau mail. Notre « chanceux » doit payer 1 620 livres de taxes ainsi que 14 600 livres de caution. Sans oublier, bien sûr, les 3 120 livres de frais légaux. En décembre, Tom n’avait toujours pas vu la couleur de l’argent Comme tant d’autres.
Chaque jour, des centaines de milliers de courriels frauduleux arrivent sur autant de boîtes mail (voir encadré). Tous, pour la plupart, invitent les internautes à puiser dans leur compte bancaire pour toucher le jackpot. À la clé : des millions de dollars appartenant à un obscur dictateur disparu ou à un milliardaire mort dans un accident d’avion quand ce n’est pas à une richissime veuve désireuse de léguer sa fortune à un illustre inconnu
« Bonjour, Je me présente »
La teneur du message est souvent la même. « Je me présente, je m’appelle Chebbi Olfa, tunisienne de naissance. Je suis mariée à feu mon époux [sic] Bel Olfa, de nationalité béninoise et de mémoire glorieuse et bénie [re-sic] » Dans sa missive électronique, Mme Chebbi Olfa explique que, depuis la mort de son mari, elle se bat contre la maladie, « un cancer du cerveau et le diabète ». D’après son docteur, il ne lui reste que deux mois à vivre. Ayant hérité de la fortune de son époux, elle a pris la « décision d’en faire don à un organisme de charité ». Soucieuse de trouver des personnes « de bonne moralité » qui puissent utiliser cet argent « à de bonnes fins », madame s’en remet donc à vous. « Dieu a voulu bénir et c’est pourquoi j’ai décidé de vous léguer ma fortune de 3 000 245 euros avec toute la modestie et la sincérité d’une donatrice. » On en aurait presque la larme à l’il
Mais derrière ces appels au secours lancés tantôt par une veuve koweïtienne à l’article de la mort tantôt par un avocat ivoirien injustement emprisonné se cache en réalité une arnaque parfaitement rodée, aujourd’hui connue sous le nom de « Scam 419 », en référence à l’article du code pénal nigérian qui condamne l’escroquerie (scam en anglais) sur Internet. Mise au point dans les cybercafés de Lagos ou d’Abuja dès les années 1990, l’entourloupe a remporté un vif succès auprès des aigrefins originaires d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Burkina, Bénin). Si ces malfaiteurs des temps modernes opèrent parfois à partir de l’Europe ou de l’Amérique du Nord, la majorité reste toutefois basée sur le continent. Leurs cibles privilégiées ? Les Européens et, plus marginalement, les Africains.
Peter vit en Angleterre. Son fils est atteint de leucémie. Un jour, il reçoit un e-mail de la Lucky Day Lottery d’Amsterdam lui annonçant qu’il a gagné 500 000 euros. Séduit, le père de famille britannique prend contact. Une personne prétendant être un agent de la Standard Chartered Securities lui indique la procédure à suivre. Son « gain » se trouve sur un compte d’une banque offshore appelée Ultimate Finance and Investment. Et pour débloquer l’argent, Peter doit signer quelques chèques. Trois fois rien comme d’habitude. Coût final de l’opération : 20 000 euros.
L’histoire a ému toute l’Angleterre. À tel point que la BBC a décidé de mener sa propre enquête. Selon la télévision publique, les escrocs ont envoyé leur message des États-Unis. Si leurs adresses postales sont toutes fictives, les banques citées, elles, existent bel et bien. En réalité, leur nom est utilisé à leur insu afin de « maquiller » les opérations frauduleuses. Les journalistes de la BBC ont également mis au jour des liens entre les malfaiteurs d’Amsterdam et d’autres basés en Afrique du Sud, au Canada, ainsi qu’en Espagne où un faux site Internet bancaire a été enregistré à partir d’un cybercafé de Lagos. De quoi brouiller les pistes Tom, Peter et les nombreux autres « gagnants virtuels » ne sont pas près de retrouver leur argent.
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