Terreur rouge au Bengale

Les affrontements font rage entre milices communistes et paysans pauvres refusant la réquisition de leurs terres.

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

« Nous donnerons notre sang, pas nos terres ! » C’est par ces cris que les habitants de Nandigram, dans l’État indien du Bengale occidental, avaient accueilli, en mars, les policiers venus les déloger. De fait, une fusillade avait fait plusieurs morts et blessés chez les petits paysans et ouvriers agricoles qui, depuis un an, s’opposent au projet du gouvernement régional, que dirige le Parti communiste indien (CPI-M), de construire sur leurs terres un gigantesque complexe industriel.
Le scandale avait été tel que ledit gouvernement avait été contraint de geler son projet. Mais, en novembre, des incidents ont à nouveau opposé les agriculteurs réunis en comité de défense aux miliciens du CPI-M, qui bloquent les accès au village. Des habitants qui ont réussi à s’enfuir font état de maisons incendiées, de viols, de massacres À Calcutta, la capitale régionale, de nombreux journaux dénoncent la « terreur rouge ».
Paradoxalement, c’est avec le soutien des masses rurales que le CPI-M, qui dirige aussi l’État méridional du Kérala, est arrivé au pouvoir au Bengale, il y a trente ans. Membre de la coalition de centre gauche qui gouverne l’Inde depuis 2004, il a récemment réussi à bloquer un accord nucléaire avec les États-Unis, menaçant du même coup de faire tomber le gouvernement. Longtemps adepte d’un marxisme radical, il s’est converti à un libéralisme économique inspiré du modèle chinois. Pour accélérer l’industrialisation, il s’efforce de séduire les investisseurs à coups d’incitations fiscales, d’infrastructures haut de gamme et de cessions gratuites de terrains.
En 2006, le gouvernement bengalais avait déjà provoqué des troubles sanglants dans une autre région rurale (Singur), où il avait tenté de réquisitionner des terres agricoles pour construire une usine du groupe automobile Tata Motors. Les 9 000 hectares réservés à Nandigram sont destinés à la multinationale indonésienne Salem Group, qui souhaite y implanter un complexe pétrochimique. L’opération nécessiterait le déplacement de cent mille personnes, qui se retrouveraient du jour au lendemain privées de tout moyen de subsistance.
La répression policière a suscité un fort mouvement de protestation jusque chez des intellectuels et des militants jusqu’ici classés plutôt à gauche. Pour ne rien arranger, l’écrivaine bangladaise Taslima Nasreen, dont les positions anti-islamiques sont connues, a récemment révélé avoir subi des pressions pour la contraindre à quitter la région. Apparemment, le gouvernement bengalais souhaite caresser les électeurs musulmans, qui votent traditionnellement communiste, dans le sens du poil.

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