Ségolène s’installe

Les éléphants flingueurs du PS vont devoir se faire une raison : l’ancienne candidate à la présidence de la République n’est pas près de disparaître du paysage politique !

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Ségolène Royal et le Parti socialiste français s’exhortent mutuellement à la cohésion et à la cohérence – politique et personnelle -, mais n’en ont jamais autant manqué. Loin d’arranger les choses, la sortie du livre de l’ex-candidate à la présidence de la République (Ma plus belle histoire, c’est vous, aux éditions Grasset) a aggravé la déchirure en avivant les désaccords.
Sur les causes de la défaite et les leçons à en tirer : Royal soutient qu’elle n’a pas été battue par la droite mais condamnée à l’échec par le procès en incompétence et illégitimité dressé par son propre camp. Et elle prononce cette phrase terrible : « Ils ont ouvert le feu à gauche, et Sarkozy, trois mois après, n’a eu qu’à se pencher et à ramasser les balles. » À ceux qui en douteraient encore, elle rapporte cette confidence de son adversaire UMP aux journalistes de sa suite : « Elle a tout pour me battre, mais les éléphants l’ont flinguée. »
Sur la stratégie de reconquête du pouvoir : loin de regretter sa tentative d’alliance avec le centre, elle la justifie par cette formule pour le moins élastique : « Ce n’est pas dériver vers la droite, c’est dépasser la gauche et le socialisme. »
Sur sa candidature : là, elle s’installe dans le double langage. Elle jure n’être plus candidate à quoi que ce soit, alors qu’elle ne pense qu’à la revanche. Elle en fait non seulement une question personnelle, mais, plus profondément, une histoire d’amour avec les Français. Jamais profession de foi politique n’a fait aussi belle part à la sentimentalité : « Dieu, que j’ai aimé cette campagne ! Je l’ai portée avec vous, je la gagnerai un jour pour vous. » On pense au film américain Nos plus belles années. Elle est restée la militante enflammée qu’incarnait si ardemment Barbara Streisand. Comme Robert Redford, François Hollande l’a abandonnée. Ce qui nous vaut une confession pudique, révélatrice là encore de son intacte détermination. Il lui a proposé de revenir. Elle lui a répondu que cela n’était pas une bonne idée. Mais, la prochaine fois, « il lui faudra le soutien d’un compagnon amoureux, à fond avec la candidate ».

Dos au mur
Plaidant parfois responsable mais jamais coupable, réfutant point par point les « bourdes » qu’on lui a attribuées, invoquant les mânes de François Mitterrand dont elle s’est fait un testament politique (« vous vous battrez le dos au mur, il vous faudra du courage et sans cesse recommencer »), Ségolène Royal est de nouveau prête au combat.
Le PS va se remettre en mouvement. Il faudra bien qu’un jour ou l’autre les militants, qui l’avaient imposée à 60 %, soient consultés. Elle se borne à augurer : « J’ai confiance. » Lesdits militants commenceraient-ils pourtant à se lasser ? Elle affecte de ne pas s’inquiéter d’un sondage OpinionWay où elle recule d’un point tandis que Bertrand Delanoë, le maire de Paris, est jugé le plus capable de diriger le PS avec un bond de 5 points chez les personnes interrogées (54 %) et un score de 63 % chez les sympathisants du PS. Imperturbable, elle observe : « Ce scénario ne correspond pas à ma vision de l’avenir. »
Autant d’échappatoires, à en croire les dirigeants du PS, qui dénoncent « ses chimères et ses fantasmes ». Les éléphants flingueurs sont d’autant moins disposés à désarmer qu’après ses rétractations sur le Smic à 1 500 euros et la semaine de 35 heures, elle leur fournit de nouvelles munitions en révélant son rendez-vous manqué avec François Bayrou. Ahurissant épisode où l’on voit la candidate cherchant fortune électorale, à 11 heures du soir, au pied de l’immeuble parisien du leader centriste, où elle vient lui offrir tout à trac le poste de Premier ministre. Elle oubliait, ce faisant, que, dans les institutions de la Ve République, cette responsabilité est irrévocable et compromettrait ses futurs pouvoirs par une imprudente dépendance envers le chef de son propre gouvernement. Ses détracteurs n’ont que trop beau jeu de fustiger l’aubade condamnée au fiasco : Bayrou ne l’a même pas laissée monter !
Sur ce point, le fondateur du Modem et le Parti socialiste sont, pour une fois, d’accord. Une stratégie d’alliance ne s’improvise pas pour sauver in extremis une candidature. Elle se prépare puis se construit avant l’élection, sur des engagements clairs de programme et de personne. Si « cornecul » soit-elle (l’expression est de Jean-Marie Cavada), l’anecdote aura du moins servi à dissiper à gauche l’ambiguïté de la vieille et récurrente tentation du graal centriste.

la suite après cette publicité

De Besancenot à Bayrou
Bayrou n’est pas pour les socialistes un partenaire, mais un concurrent. Sa stratégie n’est pas de bâtir une coalition avec la gauche, mais de lui prendre ses voix pour se faire élire. Les visions d’avenir de Ségolène Royal et des éléphants font ici plus que diverger, elles s’opposent radicalement. La stratégie de Royal entend couvrir tout le champ des oppositions, de Besancenot à Bayrou. Au contraire, pour Hollande et la quasi-totalité des dirigeants du parti, la gauche doit occuper son propre espace pour s’ouvrir ensuite, sans être en position de « mendicité » – une aménité de plus ! Voilà donc Ségolène Royal ramenée bien malgré elle à la case départ dont elle entendait se dégager.
Toujours accusée d’être « ni lisible ni crédible », elle n’en a cure, envoie au diable « les calculs d’apothicaire autocritiques », annonce qu’elle s’exprimera en janvier sur ses intentions et se prépare pour les affrontements du Congrès de l’automne 2008. L’épreuve a renforcé en elle sa volonté de puissance, servie par une audace sans complexe ni limite. Au retraité Jospin, qui l’accablait dans son livre, L’Impasse, elle répondait déjà « moi, je continue ». Si incertaines soient devenues ses chances, c’est toujours son programme et sa foi.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires