Rudy Giuliani, superhéros ou antéchrist ?
Candidat à l’investiture du parti républicain pour la présidentielle de 2008, l’ancien maire de New York est un étrange personnage, entre va-t-en-guerre néoconservateur et fêtard invétéré !
Dans cette capitale du crime – et de la bande dessinée – qu’est Gotham City, deux personnages s’affrontent : le Joker, clown menaçant qui incarne le vice, et Batman, superhéros sauveur de l’Amérique. En Rudolph William Louis Giuliani, ancien maire de New York et candidat à l’investiture républicaine pour la présidentielle de 2008, on retrouve un peu de ces deux personnages. Son large sourire jouisseur évoque celui du Joker. Mais tous les Américains se souviennent de son regard intense et de ses épaules couvertes de poussière alors qu’il arpentait les rues de New York après l’écroulement de la première des Twin Towers, le 11 septembre 2001.
Inlassable pourfendeur de la corruption et du crime, promoteur très autoritaire d’une politique de « tolérance zéro » qui lui a permis de restaurer la sécurité à New York, « Rudy the Rock », comme l’a surnommé Jacques Chirac, a sans doute eu le tort – personne n’est parfait – de favoriser l’irrésistible ascension de son chauffeur, Bernard Kerik, devenu en quelques années patron de la police new-yorkaise, ministre de l’Intérieur par intérim de l’Irak, et, virtuellement, directeur de la Sécurité nationale de George W. Bush – avant d’être contraint de répondre devant la justice de diverses accusations (violation des lois sur l’immigration, fraude fiscale).
French Cancan
Mais Giuliani est aussi un joyeux luron que l’on a pu voir dansant le french cancan en bas résille sur une scène de Manhattan ou déguisé en Marilyn Monroe ! Paradoxe, ce républicain bon teint est plutôt favorable à l’avortement, aux droits des homosexuels et au contrôle des armes à feu. Curieux personnageÂÂ
Il n’empêche, à 63 ans, ce fils d’immigrés italiens entend bien devenir le « maire de l’Amérique ». Son principal atout : son attitude après les attentats du « 9/11 ». Ce jour-là, contrairement à l’actuel président, il était sur place, digne et rassurant dans le rôle de consolateur de la nation blessée. Sa carrière, qui semblait compromise après sept années à la tête de New York, a été aussitôt relancée. Sacré « Homme de l’année » 2001 par le magazine Time, il joue depuis sur cette image de héros, qu’il tente de conforter en citant à satiété les deux grands hommes de son panthéon personnel, Winston Churchill et Ronald Reagan. Prévoyant, il a largement rentabilisé son image en créant Giuliani Partners, une entreprise de consulting spécialisée dans la gestion des crises. Cela lui permet de monnayer chèrement – 100 000 dollars – la moindre de ses conférences sur le « leadership ».
La politique qu’il propose ne diffère guère de celle de Bush. En Irak, en Afghanistan et ailleurs, il entend se montrer impitoyable dans la guerre contre le terrorisme – qu’il assimile volontiers à un clash de civilisations. L’un de ses conseillers n’est autre que Norman Podhoretz, grande figure du mouvement néoconservateur et partisan affiché des frappes « préventives » contre l’Iran. Giuliani compte aussi mettre fin à l’immigration illégale, garantir l’indépendance énergétique du pays et réduire les impôts. Un programme républicain somme toute classique. Qu’est-ce qui pourrait l’empêcher de prendre la tête de son camp ? La réponse est simple : lui-même.
Trois fois marié
Sa vie privée passablement agitée a tout pour horrifier la droite religieuse, qui fournit les gros bataillons des électeurs républicains – et des délégués à la convention chargée de désigner le candidat du parti -, même si Pat Robertson, le très influent télévangéliste, vient de lui apporter son soutien. Marié une première fois à sa cousine, Regina Peruggi, Giuliani a réussi à faire annuler son mariage pour épouser une vedette de la télévision, Donna Hanover, qu’il a ultérieurement quittée, de manière peu élégante : il a annoncé sa séparation à la presse avant d’en avertir la principale intéressée. Depuis, il s’est remarié avec sa maîtresse d’alors, Judith Nathan, elle-même deux fois divorcée. Pour corser un peu le vaudeville, ajoutons que Giuliani est catholique et qu’il a vécu un temps chez des amis homosexuels. « Personne n’est jamais d’accord à 100 % avec un candidat, tempère-t-il. D’ailleurs, je ne suis pas toujours d’accord à 100 % avec moi-même. »
Plus charismatique que Bush, Giuliani l’est sans nul doute. Mais son côté iconoclaste passe mal. New York n’est pas l’Amérique. Au fin fond du Midwest, personne n’a jamais imaginé que Batman puisse fricoter avec le Joker !
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Maroc-Algérie : que contiennent les archives sur la frontière promises par Macron ?
- La justice sénégalaise fait reporter l’inhumation de Mamadou Moustapha Ba, évoquan...
- Les sextapes de Bello font le buzz au-delà de la Guinée équatoriale
- Sextapes et argent public : les Obiang pris dans l’ouragan Bello
- Une « nouvelle conception de l’autorité » : Mohamed Mhidia, un wali providentiel à...