« Madame Énergie »

Sobre, discrète et expérimentée, Amina Benkhadra fait partie de cette génération ?de purs technocrates chargés par le roi d’accélérer le développement du royaume.

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Elle est aussi droite que ses piles de dossiers. Sur son long visage aux joues un peu creuses, les sourires sont rares. Il n’y a pas un faux pli à son tailleur-pantalon parme. Sa seule fantaisie, peut-être, ce sont les petites fleurs de son chemisier. Sobriété et discrétion, tels sont les maîtres mots d’Amina Benkhadra, la nouvelle ministre marocaine de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. Quand on l’interroge sur sa nomination dans le gouvernement d’Abbas El-Fassi, le 15 octobre dernier, elle reste de marbre : « C’est un immense honneur et une grande responsabilité. » Difficile de faire plus convenu
Cette brillante ingénieure, diplômée de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (en 1978), est pourtant un symbole. Celui du rôle croissant des femmes dans l’exercice du pouvoir au Maroc. Une tendance amorcée en 1997, sous Hassan II, avec la nomination de quatre femmes au gouvernement. Secrétaire d’État chargée du Développement du secteur minier, Amina Benkhadra est dans le lot. Dix ans plus tard, on la retrouve à la tête d’un ministère stratégique. Ayant fait l’essentiel de sa carrière au Bureau de recherches et de participations minières (BRPM) – devenu, en 2003, après sa fusion avec l’Office national de recherche et d’exploitation pétrolière (Onarep), l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym) -, Amina Benkhadra fait aussi partie de cette génération de purs technocrates nommés par le roi Mohammed VI à des postes clés pour accélérer le développement économique. Elle le reconnaît à demi-mot : la raison de sa nomination, sous l’étiquette Rassemblement national des indépendants (RNI), n’est certainement pas à chercher dans son passé de militante, inexistant, mais dans « une certaine expérience de [ses] secteurs ».

Maître mot : diversification
Cette native de Salé se sent « investie d’une mission au service de [son] pays ». Peut-être même d’un défi. En guise de cadeau de bienvenue au ministère, les cours du pétrole flambent, frôlant la barre des 100 dollars. Dans un pays dépourvu de ressources en hydrocarbures, l’envolée se fait douloureusement sentir. Pour en limiter les effets, la nouvelle « madame Énergie » du Maroc mise sur la diversification : outre le charbon, le pétrole et le gaz, développer les énergies renouvelables (éoliennes, solaires) et, à long terme, le nucléaire, dont elle estime qu’il faut « démystifier l’usage ». Autre chantier majeur : la restructuration de l’Office chérifien des phosphates (OCP), le Maroc détenant les trois quarts des réserves mondiales. Un mastodonte hérité du protectorat qui emploie 17 000 personnes et qui devrait passer du statut de société publique à celui de société anonyme. « J’adhère à la stratégie de Mostafa Terrab [directeur général de l’OCP, NDLR] », assure la ministre. Le plus ingrat, peut-être, c’est la prospection pétrolière : à la tête de l’Onarep depuis 2000, puis de l’Onhym depuis 2003, Amina Benkhadra en sait quelque chose. L’idée reçue voudrait qu’il y ait du pétrole au large du Maroc puisqu’il y en a au large de la Mauritanie, un millier de kilomètres plus au sud. Mais, en dépit des recherches passées et en cours, pas une goutte d’or noir n’a jailli
« Introduire des modes de consommation responsables de l’électricité », « transférer l’eau des zones excédentaires vers les zones déficitaires », « faire adopter le code minier et élaborer un code gazier » : armée de patience et dotée d’un certain goût pour l’adversité, Amina Benkhadra – qui vient de lire Guerre et Paix – égrène ses tâches, imperturbable. Et quand on lui pose la sempiternelle question sur la difficulté d’être une femme dans un milieu d’hommes, elle répond : « Si vous vous attardez aux commentaires, vous vous égarez. »

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