L’horreur et l’effroi

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

On dirait presque que c’est le printemps, en cette matinée du 11 décembre, à Alger. À Ben Aknoun, sur les hauteurs de la capitale, dans une salle de conférences de l’Hôtel des magistrats, une brochette de spécialistes algériens et étrangers devisent doctement sur les méfaits de la violence à l’égard des enfants. En face, les portes de l’imposante bâtisse de style mauresque qui abrite la Cour suprême s’ouvrent par intermittence pour laisser passer les voitures rutilantes de quelques magistrats et autres fonctionnaires. Une vingtaine de mètres plus loin, devant le siège du Conseil constitutionnel, récemment construit par une entreprise japonaise, deux policiers regardent déambuler les passants. Sur cette large artère qui mène à la faculté de droit, véhicules, camions et bus d’étudiants roulent au pas, prisonniers des sempiternels embouteillages qui paralysent la capitale et mettent à rude épreuve les nerfs des automobilistes. Les magasins, nombreux dans ce coin très fréquenté par la communauté estudiantine, sont noirs de monde.
Il est presque 10 heures lorsque le premier kamikaze, Charef Larbi, ex-activiste des Groupes islamiques armés (GIA), fonce sur l’immeuble du Conseil constitutionnel avant d’actionner la charge de son véhicule bourré d’explosifs. Moins de dix minutes plus tard, dans le quartier huppé de Hydra, qui abrite la nomenklatura et les représentations diplomatiques, un second kamikaze, Bechla Rabah, 65 ans, ancien membre du FIS, tente de forcer le passage de l’immeuble du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Il lui faudra s’y prendre à deux reprises avant de parvenir à pénétrer à l’intérieur du bâtiment et à faire exploser son camion piégé.
Façades arrachées, toits affaissés, carcasses de voitures carbonisées, corps sans tête, lambeaux de chair accrochés aux murs, flaques de sang, débris de verre et de tôles froissées, femmes, hommes et enfants hagards et terrorisés, sirènes hurlantes et policiers sur les dents Hydra et Ben Aknoun offraient un visage de désolation. « Pourquoi, pourquoi ? Mon Dieu, qu’est-ce qu’on leur a fait pour qu’ils nous massacrent comme des bêtes ? » hurle une étudiante, le visage en sang. Deux explosions, une trentaine de morts selon un bilan officiel, plus d’une soixantaine à en croire des comptes-rendus de presse, et Alger bascule à nouveau dans l’horreur et l’effroi.
Dans la soirée, Al-Qaïda au Maghreb, ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), revendique les deux attentats, qui plongent à nouveau les Algériens dans la tourmente et le désarroi, eux qui ont cru un peu trop vite que la page sanglante du terrorisme était tournée. « On va donc vivre la peur au ventre ? On va donc s’attendre à un nouveau carnage chaque 11 du mois ? Quand tout cela va-t-il cesser ? » se désespère un avocat.

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