L’esprit de Lisbonne
Le sommet Union européenne-Afrique, qui s’est tenu dans la capitale portugaise les 8 et 9 décembre, devait initier de nouvelles relations entre les deux continents. Mais les désaccords sur la libéralisation des échanges commerciaux ou les flux migratoir
Ce devait être l’occasion pour les pays européens de tourner la page de la culpabilité postcoloniale et de cesser de se présenter en donneurs de leçons. L’Afrique, de son côté, aurait renoncé à jouer les victimes et se serait montrée plus coopérative sur les grands problèmes d’intérêt commun. Mais, inévitablement, les choses n’ont pas été aussi simples lors du deuxième sommet Union européenne-Afrique, qui s’est tenu à Lisbonne.
Abdoulaye Wade, le président du Sénégal, qui ne mâche pas ses mots, a profité de l’occasion pour faire remarquer à l’Europe qu’elle était en train de perdre la bataille du commerce et de l’influence sur le continent. L’Afrique, a-t-il rappelé, a d’autres soupirants. Ses propos ont souligné la frustration que ressentent de plus en plus les Africains devant le manque de réaction des Européens face aux réalités nouvelles, et en particulier face à la demande venue d’Asie.
Les investisseurs européens, a dit Wade, ont parfaitement le droit d’être attirés par les marchés asiatiques, mais ils ne doivent pas s’étonner que des produits et des investisseurs asiatiques viennent combler le vide. « L’Europe, a-t-il déclaré, n’est pas loin d’avoir perdu la bataille de la concurrence en Afrique. On peut acheter deux automobiles chinoises pour le prix d’une européenne. » Et il a ajouté : « Si je veux faire 5 kilomètres de route avec la Banque mondiale, ou l’une des institutions financières internationales, il faut au moins cinq ans. Une année de discussions. Une année d’allers et retours. Une année de je-ne-sais-quoi Avec les Chinois, il suffit de quelques jours. Je dis oui ou non, ils envoient une équipe, et on signe. »
C’est en partie parce qu’ils sont conscients de l’existence de cette concurrence que les Portugais, les premiers colonisateurs européens de l’Afrique et les derniers à avoir plié bagage, ont tenu à organiser ce sommet, quelles qu’aient pu être les polémiques sur la présence à Lisbonne du président zimbabwéen Robert Mugabe.
« Après de longues années, nous avons enfin été capables de rompre la glace et de parler autrement qu’en termes de colonisés et de colonisateurs », a déclaré Luís Amado, le ministre portugais des Affaires étrangères. Les plus optimistes saluaient « l’esprit de Lisbonne ». Certains dirigeants africains reconnaissaient qu’un certain climat de fraternité avait été ressenti pendant ce sommet et que le vent du changement y avait peut-être soufflé, mais d’autres étaient moins disposés à faire grâce du passé à l’Europe.
« Ce n’est qu’un point de départ, a affirmé Alpha Oumar Konaré, le président de l’Union africaine. L’Afrique n’est pas pauvre. Cette pauvreté n’est pas fatale. Elle est la conséquence, il faut bien l’admettre, de relations inégales, mais aussi d’une mauvaise gouvernance. »
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