Le 41e kilomètre

Quand les habitants de Gaza n’ont pas la possibilité de découvrir le monde extérieur, prévient Amira Hass, correspondante de Haaretz dans les Territoires, c’est le monde selon le Hamas qui devient le leur.

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Un zoo. C’est l’une des images que les Palestiniens emploient pour décrire les conditions dans lesquelles vivent près de 1,5 million d’entre eux : un territoire de 360 km2, bouclé sur trois côtés par des barbelés sophistiqués, des murs de béton et des tours de contrôle, et à l’ouest par des navires de guerre israéliens qui leur interdisent l’accès à la mer. En plus, dans le ciel, drones et ballons photographient continuellement ce qui se passe dans cette cage, reliée au monde par sept grilles, toutes fermées presque hermétiquement.
Ces cinq derniers mois, Israël a autorisé environ 2 000 personnes à quitter la bande de Gaza : une minorité de malades, plus de la moitié des militants ou des partisans du Fatah, et des personnes ayant la double nationalité ou des autorisations de séjour prolongé à l’étranger. À titre de comparaison, 1 400 personnes par jour passaient au point de contrôle de Rafah en 1999, en plus des milliers qui traversaient au poste d’Erez, malgré la politique de bouclage permanent. Aujourd’hui, 1,5 million d’êtres humains vivent dans un univers de 41 km de long sur 12 km de large.

La comparaison avec un zoo a été faite par le Dr Mamdouh al-Aker, le médecin qui préside la Commission indépendante palestinienne sur les droits des citoyens. Pour un autre habitant de Gaza, un industriel dont l’usine de produits alimentaires travaille à environ 5 % de sa capacité, la situation évoque un hôpital. Comme des patients, les habitants ne travaillent pas, mais on leur donne à manger. Ils ne travaillent pas parce que, depuis cinq mois, Israël a non seulement interdit la commercialisation de tout ce qui est fabriqué à Gaza, mais aussi l’entrée de toute matière première et de tout moyen de production. Si le prix des articles continue de monter et le manque d’argent de s’aggraver du fait de la rupture des contacts entre les banques d’Israël et celles de Gaza, les organisations d’aide humanitaire augmenteront leurs dons de nourriture, qui représentent aujourd’hui environ 10 % des produits alimentaires importés. Le jour viendra peut-être où ils parachuteront des colis par hélicoptère.
Le gouvernement d’Israël, celui des États-Unis et l’Europe considèrent que le complet emprisonnement de 1,5 million d’êtres humains et la totale destruction de l’infrastructure économique de Gaza sont la réponse appropriée au Hamas, au moins jusqu’à sa chute. Il semble que le « gouvernement » de Ramallah est d’accord avec eux. De fait, le chef du « gouvernement » de Gaza, le Premier ministre Ismaïl Haniyeh, a laissé entendre que le non-partage du pouvoir par le Hamas à Gaza était provisoire. Mais le caractère provisoire dépend de l’aboutissement d’un dialogue entre le Hamas et le Fatah. Or Israël et les États-Unis l’interdisent au président palestinien Mahmoud Abbas. De toute façon, pour l’instant, Abbas continue à juger que le Hamas est une entité hostile.

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Comme toujours, les étudiants qui ne sont pas autorisés à partir sont une minorité dont l’emprisonnement donne une idée de la gravité des dommages causés à l’avenir palestinien. Depuis des années maintenant, Israël empêche les jeunes de Gaza d’aller poursuivre leurs études en Cisjordanie. Ceux qui veulent faire des études supérieures doivent aller à l’étranger. Dix étudiants très prometteurs, par exemple, ont obtenu des bourses pour aller préparer un master et un doctorat en Allemagne. Mais une centaine d’autres qui avaient déjà entamé des études à l’étranger se sont trouvés bloqués à Gaza cet été. Des milliers de jeunes ont renoncé à tout espoir de faire des études à l’étranger en raison de la politique de la porte close. Et quand ils n’ont pas la possibilité de découvrir le monde extérieur, c’est le monde selon le Hamas et ses horizons religieux qui devient le leur.
Depuis 1991, Israël a fait de l’emprisonnement partiel ou total des habitants de Gaza dans leur cage, pour des périodes plus ou moins longues, une stratégie politique. Elle est quelquefois présentée comme une punition, quelquefois comme une forme de dissuasion et toujours comme la première étape d’un plan politique. Jusqu’à une date récente, il semblait que les conditions de l’emprisonnement ne pouvaient pas être pires. Les cinq derniers mois ont prouvé que le « encore pire » est toujours possible.

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