À la recherche d’un gouverneur

Le chef de l’État ivoirien parviendra-t-il à convaincre ses pairs de reconduire encore un de ses compatriotes à la tête de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest ?

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

« Si le président burkinabè Blaise Compaoré le pousse, Justin Damo Baro ne fera rien pour l’en empêcher. » Mais il aura fallu insister pour que des membres de l’entourage de ce dernier, gouverneur par intérim de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), lèvent un coin du voile sur la disponibilité de leur « patron » à prendre pleinement la tête de l’institution. Les chefs d’État des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) en décideront lors de leur sommet initialement prévu le 16 décembre mais reporté au 13 janvier prochain, à Ouagadougou. Pour l’intérimaire, cette nomination est, certes, loin d’être acquise, mais sa « volonté de poursuivre les réformes engagées » n’est un secret pour personne. En retrait, au point de donner le sentiment d’être sur la défensive lorsqu’il s’agit d’évoquer son avenir, Baro n’en est pas moins ambitieux. Et personne ne saurait lui reprocher de vouloir continuer pleinement la mission qu’il assume depuis la nomination de Charles Konan Banny comme Premier ministre de la Côte d’Ivoire, en décembre 2005.
Mais la concurrence sera rude. Le président Laurent Gbagbo semble toujours aussi déterminé à imposer son poulain – l’actuel ministre d’État chargé du Plan et du Développement, Paul-Antoine Bohoun Bouabré – et à proroger du même coup la règle non écrite qui veut que le poste échoie à un Ivoirien. Il est allé pour cela jusqu’à menacer de quitter l’Union pour créer sa propre monnaie. Baro n’en ignore rien. En tant qu’ancien ministre des Finances et ex-gouverneur de la BCEAO, il ne manque toutefois pas d’atouts car, contrairement à d’autres prétendants, il peut s’appuyer sur un bilan. « Il a modernisé et rajeuni la Banque centrale. De l’avis des administrateurs mais aussi selon les conclusions du dernier Conseil d’administration, son bilan est positif alors qu’il a hérité d’une situation sclérosée », explique un diplomate en poste à Ouagadougou.
Baro bénéficie également d’un contexte favorable : au fil des sommets, une majorité s’est dégagée dans le cercle des chefs d’État au profit d’une rotation, conformément aux textes en vigueur. Même Gbagbo n’est pas obstinément contre. Il souhaite seulement que cette règle ne soit effective que dans cinq ans, au terme du mandat du prochain gouverneur, en l’occurrence son candidat. « Pourquoi attendre plus longtemps et surseoir une nouvelle fois à l’application des textes ? s’interroge un cadre de la BCEAO. Le candidat ivoirien conserve toutes ses chances, mais il sera désigné parmi d’autres candidats. »

Débat houleux
Reste une énigme de taille : la conduite que Blaise Compaoré entend adopter. En position de force grâce au succès de sa médiation dans les crises ivoirienne et togolaise, va-t-il proposer le nom de son compatriote ? De sa décision dépend pour beaucoup celle de ses homologues. Or le Niger n’a pas abandonné l’idée de présenter son propre candidat en la personne d’Ali Badjo Gamatié, ancien premier vice-gouverneur de la banque, nommé en octobre dernier conseiller spécial du président Mamadou Tandja pour les mines et le pétrole. Quant au Bénin, il pourrait lancer dans la course au gouvernorat l’actuel directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI), Abdoulaye Bio Tchané.
Le huis clos de la prochaine conférence de l’UEMOA risque donc d’être houleux. À moins que Compaoré ne décide de jouer l’accalmie, d’autant que, dans l’absolu, il n’est pas opposé à ce que les Ivoiriens gardent la tête de la BCEAO pour un nouveau mandat, après quoi la rotation prévaudra. « Il ne faut pas raviver d’autres plaies et nous quitter avec les calebasses renversées, mais Gbagbo doit nous présenter plusieurs candidatures », avertit toutefois un ministre burkinabè, comme pour mieux souligner la faible popularité de Bohoun Bouabré. Ce dernier ne parvient pas à faire oublier les critiques lancées au plus fort de la crise ivoirienne contre la zone franc mais aussi contre les opérateurs économiques français. D’où la réticence de Bercy (le ministère français de l’Économie et des Finances) et de la Banque centrale européenne à lui apporter leur soutien.
Abidjan va-t-il pour autant maintenir jusqu’au bout la candidature de son ministre d’État ou trouvera-t-il un autre postulant plus consensuel ? Seule certitude : de nombreux noms circulent, dont celui de Théophile Ahoua N’Doli, ancien ministre de l’Industrie, du Tourisme et des Petites et Moyennes Entreprises du président Henri Konan Bédié, et conseiller spécial du gouverneur chargé de l’Intégration économique ; celui de Jean-Claude Brou, ex-patron de la cellule des privatisations au début des années 1990 quand Alassane Dramane Ouattara était Premier ministre ; celui de Tiémoko Meylier Koné, directeur de cabinet de l’actuel chef du gouvernement ivoirien Guillaume Soro, qui a fait toute sa carrière à la BCEAO. Ou encore celui de Safiatou Ba N’Daw, l’ex-ministre de l’Énergie sous Bédié, qui eut son heure de gloire en obtenant, alors qu’elle était ministre déléguée aux Transports, le départ du Français Yves-Roland Billecart de la compagnie Air Afrique, morte depuis.

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