La Casamance prend les armes

18 décembre 1983

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le 17 décembre 1983, des manifestants armés de flèches, de coupe-coupe et de lances envahissent les rues de Ziguinchor, dans le sud du Sénégal, pour exprimer leur ras-le-bol envers le pouvoir central. C’est la deuxième fois en moins d’un an que la capitale casamançaise est en proie à la colère de ses habitants. Le 20 décembre 1982 déjà, à l’issue d’un match de football opposant une équipe de Dakar à une autre de Ziguinchor, des supporters casamançais, mécontents de l’arbitre de la rencontre, descendent dans la rue. Se dirigeant vers le siège de la gouvernance, ils veulent remplacer le drapeau sénégalais par un drapeau blanc. Les forces de l’ordre interviennent et dispersent violemment la manifestation. Des responsables du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), parti régionaliste fondé en 1947, sont arrêtés. Dont l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, l’un des fondateurs séparatistes.

Mais en ce 17 décembre 1983, les revendications sont avant tout politiques. « Pour une Casamance libre et indépendante », clament les frondeurs. Une nouvelle fois, les choses tournent mal. Les forces de sécurité font usage de leurs armes et tuent une vingtaine de personnes. Le lendemain, le 18 décembre, le MFDC entre dans la clandestinité, lance sa première opération armée. Et se radicalise. C’est le début du conflit casamançais.
La crise est née d’une frustration des habitants de la Casamance, convaincus que l’État sénégalais ne prend pas suffisamment en compte leurs problèmes socio-économiques. D’autant que leur région, considérée comme le grenier du pays, a du mal à se remettre de la sécheresse des années 1970 et du choc pétrolier de 1973. Dès son déclenchement, la rébellion bénéficie d’un soutien presque unanime de la population. La Guinée-Bissau, dont la guerre de libération s’est achevée en 1973, se souvient des services rendus par les cousins casamançais. Sans hésiter, elle leur renvoie à son tour l’ascenseur.
Irréductibles depuis l’époque des Portugais et des Français, les Casamançais vivent de plus en mal ce qu’ils considèrent comme une tutelle de Dakar. En 1980, Diamacoune Senghor envoie des lettres au président Léopold Sédar Senghor pour réclamer l’indépendance. Tout en poursuivant son objectif, il reste ouvert au dialogue. Les négociations engagées avec Abdou Diouf, le successeur de Senghor, aboutissent à la signature d’un accord de cessez-le-feu en 1993. L’abbé demande à ses hommes de déposer les armes. Mais tout le monde n’est pas d’accord : une fissure s’opère entre faucons et colombes, entre l’aile politique et l’Atika, la branche militaire. D’autres accords suivront en 1995, 1996, sans que rien ne bouge réellement. Et la visite du pape Jean-Paul II en Casamance, en 1992, n’y change rien.

la suite après cette publicité

Diouf parti, son successeur, Abdoulaye Wade, promet de régler la question casamançaise en cent jours. S’il est vrai que des accords sont signés, que le président sénégalais et le chef du MFDC se retrouvent en tête à tête, il est aussi vrai que les divisions entre Casamançais n’arrangent rien. Le geste le plus spectaculaire viendra de l’abbé, décédé en janvier dernier, lorsqu’il dira à ses hommes que la rébellion n’a plus de raison d’être. Mais personne, dans ce long conflit, n’a encore dit son dernier mot.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires