Hommes et femme du président

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Joseph Kabila a le goût du secret. De ses années de maquis aux côtés de James Kabarebe, le chef d’état-major de l’armée rwandaise, il a appris à n’accorder sa confiance qu’à un petit cercle de fidèles. De l’avis général, le premier d’entre eux est le très discret Augustin Katumba Mwanke. Avant 2001, cet ancien ingénieur katangais était déjà un proche de Kabila père, qui l’avait nommé gouverneur de sa province natale. Le 16 janvier 2001, à l’annonce de l’assassinat du Mzee, Katumba a joué un rôle clé auprès du jeune Kabila, qui était à Likassi, au Katanga. Selon plusieurs témoins, Joseph a eu alors un moment d’abattement. Il aurait même pensé à l’exil. C’est Katumba qui l’a convaincu de prendre aussitôt un avion pour la capitale. Les deux hommes sont arrivés ensemble à Kinshasa, dans la nuit du 16 au 17. Depuis, ils ne se sont plus quittés.
La force de Katumba, c’est le secteur minier. Donc, l’argent. Dès qu’il a le feu vert du chef, il donne des instructions au ministre concerné et lui fait signer les documents nécessaires. En 2002, son nom a été cité dans un rapport de l’ONU sur le pillage des richesses du Congo. Joseph Kabila a fait mine de l’écarter, mais l’a gardé à ses côtés. En 2006, après une campagne-éclair au Katanga, Katumba s’est fait élire à l’Assemblée nationale, où il siège de temps en temps, quand il n’est pas occupé ailleurs Et, depuis deux mois, il est le secrétaire exécutif de l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP). Le deuxième personnage le plus puissant du Congo sort de l’ombre.

GOUvernance sous influence ?
L’autre « vieux » fidèle du président, c’est le général John Numbi. Lui aussi est katangais. Lui aussi connaît Joseph depuis l’époque où le jeune homme combattait dans l’armée de son père. Le 24 novembre 2000, quand le commandant Anselme Masasu a été condamné à mort avec huit autres officiers par la Cour d’ordre militaire pour complot – réel ou supposé – contre le Mzee, Joseph Kabila et John Numbi étaient sur place, à 25 kilomètres de Pweto, au Katanga, pour veiller à l’exécution de la sentence. Cette purge a-?t-elle été fatale à Laurent-Désiré Kabila, deux mois plus tard ? En tout cas, depuis ce jour de novembre 2000, les deux hommes sont unis par des liens de sang.
Devenu chef d’état-major de l’armée de l’air, John Numbi a négocié sans succès avec Laurent Nkunda, le général rebelle du Nord-Kivu. Aujourd’hui, l’officier katangais est inspecteur général de la police. Disgrâce ? D’aucuns disent au contraire que le chef de l’État lui a confié le département clé de la sécurité pour combler le vide laissé par le décès du conseiller à la présidence, Samba Kaputo. Numbi doit compter avec le général Denis Kalume, l’inamovible ministre d’État chargé de l’Intérieur.
Outre Katumba et Numbi, le président consulte souvent un autre originaire du Katanga, l’avocat Nkulu Kilombo, aujourd’hui ministre d’État près la présidence. En fait, Nkulu est le conseiller juridique du chef de l’État : « Cela, vous pouvez le faire, cela, non. » Ses avis sont précieux. Les tentatives de poursuites judiciaires contre l’opposant Jean-Pierre Bemba, c’est lui. Aussi Nkulu est-il intouchable. Le 4 octobre dernier, un Antonov 26 s’est écrasé dans un quartier de Kinshasa, faisant au moins cinquante morts. Un mois plus tôt, le ministre des Transports avait interdit de vol tous les ?avions Antonov. Mais le ministre d’État Nkulu lui avait envoyé un courrier de remontrances – une lettre à en-tête de la présidence. Et le ministre avait aussitôt annulé sa première décision. Qui a été sanctionné après le crash ? Le ministre des Transports.
Joseph Kabila s’appuie aussi sur quelques personnalités natives des deux Kivus, qui n’oublient pas de lui dire : « Monsieur le Président, l’an dernier, c’est l’Est qui vous a voté. » Longtemps, il a consulté le très actif Vital Kamerhe. Mais aujourd’hui, il écoute volontiers un autre Mushi du Sud-Kivu, Marcellin Tshisambo. Cet homme très cordial est de tous les voyages présidentiels. Conseiller politique et diplomatique, il a l’oreille du chef. Autres personnalités de l’entourage proche, deux Kasaïens : l’ex-représentant du HCR Raymond Tshibanda, directeur de cabinet du président, et le professeur Evariste Boshab, tout nouveau secrétaire général du PPRD, le parti au pouvoir.
Depuis quelques mois, il faut compter enfin avec Olive Lembe di Sita, l’épouse du chef de l’État. Originaire du Bacongo par son père. Bonne oratrice, et aussi à l’aise en lingala qu’en swahili – ce qui n’est pas le cas de son mari -, elle n’hésite pas à tenir des meetings ou à affronter la colère des femmes violées du Sud-Kivu.
Joseph Kabila gouverne-t-il sous influence ? Les avis sont partagés. « Il comprend les enjeux, mais il n’est pas à l’abri des durs du Katanga et des deux Kivus », dit un de ceux qui le côtoient depuis plusieurs années. « Il est subtil et il a l’air calme, mais ses colères peuvent être terribles. Ses conseillers le craignent et, en définitive, c’est lui qui donne les ordres », dit un autre observateur du palais présidentiel. Bref, l’homme n’est pas facile à cerner. Et il ne fait rien pour.

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