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Après dix-huit années d’existence, N’Djamena bi-hebdo continue d’informer ses lecteurs avec rigueur et régularité. Dans un pays où s’acquitter d’une telle mission n’est pas toujours facile.

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Ils se réunissent tous les matins, avec une tranquille assurance, pour préparer la prochaine édition de N’Djamena bi-hebdo. Sur la carte du Tchad, punaisée contre l’un des murs de la salle de réunion, Jean-Claude Nékim, rédacteur en chef depuis 2005 désigne Abou Goulem. La veille, cette localité a été le théâtre de combats meurtriers qui ont opposé l’armée nationale tchadienne aux rebelles de Mahamat Nouri. On parle d’une centaine de morts et de plusieurs centaines de blessés. Blasés, les participants à la réunion ne trahissent aucune émotion. Comme le reste de la population, la presse a appris à vivre avec les horreurs de la guerre qui déchire le pays depuis des décennies. Pour les journalistes, la reprise des combats rime avec retour de l’état d’urgence. Le décret proclamant ces mesures exceptionnelles peut habiliter les autorités à « prendre toutes mesures susceptibles d’assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ». La ligne jaune a été tracée en novembre 2006 par le ministre de la Communication Moussa Doumgor, cité dans l’édition du 18 au 21 octobre de N’Djamena bi-hebdo. Il invite les journalistes à éviter d’écrire ou de dire « ce qui tiendrait à faire de la publicité ou de la propagande pour les mercenaires et leurs commanditaires ou à mettre en doute l’évidence de cette agression soudanaise ». Ainsi, accusés de déstabiliser le pays, plusieurs journaux privés ont été censurés pendant la période allant de novembre 2006 à mai 2007.
Mais en dix-huit années d’existence, la petite feuille de format A4 en a vu d’autres. Des menaces, des saisies, une mise à sac, une dizaine de procès en diffamation, gardes à vue et interrogatoires musclés de ses responsables. Malgré tout, la publication dirigée par Yaldet Bégoto Oulatar a survécu aux turbulences. Même si elle ne présente aucun signe apparent de prospérité : avec ses sept journalistes et ses six « personnels d’appui », la rédaction dispose d’un parc d’ordinateurs qui ne compte qu’une demi-douzaine de postes. Il n’y a pas de connexion Internet à haut débit. La rémunération des jeunes journalistes s’élève à 100 000 F CFA (152 euros), nets.
Ce pilier de la presse indépendante tchadienne ne s’est pas épanoui avec l’âge, victime de harcèlement judiciaire et soumis à un contexte sociopolitique et économique instable. Seul journal privé lors de l’arrivée d’Idriss Déby au pouvoir en 1990, le tirage de N’Djamena bi-hebdo atteint les 15 000 exemplaires en 1992. L’avènement du multipartisme et l’engouement des populations pour le débat politique dopent les ventes. Tout va pour le mieux jusqu’en 1996, lorsque les tirages chutent à 5 000 exemplaires à peine. La démocratisation n’ayant pas tenu ses promesses, les lecteurs se détournent de la politique et, partant, des médias. Les recettes publicitaires n’atteignent pas non plus un niveau satisfaisant. Par ailleurs, le journal, comme le reste de la presse écrite, n’échappe pas aux réalités sociales décrites par les statistiques officielles : des 10 millions de Tchadiens, seule une minorité déclare savoir lire et écrire, soit un taux d’analphabétisme de 75 %. La presse écrite est également desservie par un réseau de distribution déficient et plombé lui-même par l’absence ou la mauvaise qualité des routes et des moyens de transport. N’Djamena bi-hebdo est vendu à 250 F CFA (1,53 euro) l’unité, mais l’inflation ayant laminé le pouvoir d’achat des ménages, la courbe des ventes ne remonte pas au niveau du début des années 1990.
Une aide à la presse a bien été instituée en 1994 par le gouvernement. Mais elle n’a été versée que trois fois « et souvent à l’approche des échéances électorales » persifle un journaliste. Cette année, N’Djamena bi-hebdo a perçu 5 millions de F CFA (7 600 euros), sur les 100 millions versés par l’État au secteur.

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