Et plus si affinités…

Célibataires, divorcés ou veufs, ils sont de plus en plus nombreux, notamment parmi les femmes, à chercher l’âme sur à travers les petites annonces.

Publié le 17 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Dites-nous quels sont les thèmes de vos annonces matrimoniales et nous vous dirons quels sont vos phénomènes de société. C’est ce qui apparaît à travers l’analyse des petites annonces – nous en avons recueilli 124 durant les quatorze dernières semaines – parues dans la rubrique « mariages » de trois journaux tunisiens, un francophone et deux arabophones.
Les résultats, parfois inattendus, illustrent bien les évolutions de la société : les femmes sont suffisamment libérées pour oser chercher l’âme sur à travers un journal ; hommes et femmes font valoir sans complexe leurs atouts matériels et leurs prétentions en matière de mariage. Et chacun, pour étayer sa démarche, invoque tantôt le conservatisme, souvent associé à la pratique religieuse, tantôt le modernisme. D’autres font miroiter la perspective de voyager ou de s’installer à l’étranger (voir encadré), un rêve de plus en plus inaccessible pour la majorité des jeunes.
Ce qui confirme les progrès de l’émancipation des femmes, c’est qu’elles sont plus nombreuses que les hommes à recourir aux petites annonces. Au total, dans notre échantillon, nous en dénombrons 68, contre 56 hommes. Ce qui est dans la ligne des indicateurs matrimoniaux publiés par l’Institut national de la statistique (INS, recensement général de 2004), selon lesquels le taux de divorcées et de veuves est de 10 %, contre 1,5 % chez les hommes.

Argument clé : être « aisé »
Profil type de la femme à la recherche de l’âme sur : célibataire ou divorcée, âgée de 30 à 40 ans, acceptant un homme ayant la soixantaine ou plus. Les hommes, pour la plupart divorcés, sont plus âgés – la majorité d’entre eux se situe dans la tranche des 50-60 ans – et demandent que leur éventuelle seconde moitié n’ait pas plus de la quarantaine.
Le point sur lequel les annonceurs sont le plus diserts, c’est la situation socioprofessionnelle. Ils font volontiers état de la leur pour exiger de l’éventuel futur associé qu’il ait une « situation en rapport ». Ont la cote sur l’argus matrimonial hommes d’affaires, médecins, professeurs d’université, hauts fonctionnaires, expatriés, même de retour. L’argument clé ? Être « aisé » ou, pour les moins-disants, avoir une « situation stable ». Pour être plus concrets, certains n’omettent pas de signaler qu’ils sont propriétaires de leur maison et disposent d’une voiture. Telle femme souhaite rencontrer « un homme aisé qui soit djerbien de préférence », les originaires de l’île de Djerba étant réputés pour leur réussite dans les affaires. Telle autre cherche homme « de bonne famille sans enfant ayant une situation confortable et possédant une maison ». Une jeune fille « de très bonne famille aisée » cherche à se marier à « un homme d’affaires beau ou à un avocat ». Une autre jeune femme « ingénieure, belle, sociable, aisée » demande, quant à elle, qu’il soit « homme d’affaires, médecin, pharmacien ou ingénieur, élégant, galant, fin classe ». Un jeune homme se prévalant d’avoir une « très bonne situation financière » désire connaître en vue d’un mariage une « femme assez belle et ayant une situation en rapport ». Un jeune homme âgé de 35 ans cherche, pour sa part, une femme « célibataire ou divorcée ou veuve, aisée, possédant une maison et n’ayant pas d’enfant ou en ayant un de moins de 3 ans ». Et compense son statut précaire d’ouvrier journalier par le fait qu’il « ne boit pas et ne fume pas » et lui promet simplement « le respect et la considération pour toute la vie ».
Il n’y a pas que le niveau socioprofessionnel qui fasse la différence. Une nouvelle exigence apparaît à travers certaines petites annonces. Comme dans le cas de ce jeune agriculteur « bac + 5 », « très cultivé » qui recherche « une jeune fille universitaire pleine d’idées [] mais ayant les pieds sur terre ». Ou dans celui de ce jeune homme originaire de la ville entreprenante de Sfax, « sérieux, d’une famille conservatrice, ayant maison et projet de profession libre porteur », cherchant jeune fille, comme lui originaire de Sfax, qui lui apporterait « un soutien fort » dans son entreprise et à qui il promet d’être « le meilleur des époux et l’ami ».

la suite après cette publicité

Qui se ressemble s’assemble
Certains recherchent une personne de leur milieu, telle cette Tunisoise qui précise qu’elle est « belle et dotée de tous les atouts, d’éducation française » et qui cherche un jeune homme de « même profil physique, social et culturel ». D’autres invoquent les principes moraux de la religion, garants de la pérennité d’une famille. Si bien que le fait d’être pratiquant ou issu d’une famille pratiquante ou pieuse est souvent cité. Détail d’importance dans l’évaluation du partenaire lorsque les conditions d’une expérimentation du futur couple ne sont pas réunies. Cela donne parfois un cocktail savoureux comme cette petite annonce d’une jeune femme qui cherche un « bel homme, pratiquant, cultivé, galant, tendre, aisé, sérieux ».
Reste que, parfois, les jeunes filles sont trop timides pour faire publier elles-mêmes une petite annonce. Et c’est la famille, souvent à l’instigation de la mère, qui le fait. Ce qui peut donner ceci : « famille désire marier fille enseignante, ayant de hautes qualités morales, charmante, très timide, à homme de bonne famille sérieux, conservateur, ayant belle allure et disposant d’une bonne situation stable ». Dans les cas difficiles, les parents interviennent comme dernier recours, comme dans cette annonce où une « famille honorable désire marier sa fille âgée de 49 ans, cadre et propriétaire d’une maison, ayant une bonne situation matérielle, avec un homme de 60 ans maximum et ayant une situation en rapport ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires