Un bol de chorba laïque ?

Chaque jour, à l’heure de la rupture du jeûne, des bénévoles nourrissent des musulmans parisiens.

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

En cette période de ramadan, effluves de chorba et mélopées orientales se répandent jusque dans la rue. Elles s’échappent d’un chapiteau érigé sur un terrain vague de la rue de Nantes, dans le 19e arrondissement de Paris. Les tables sont dressées et les convives commencent déjà à prendre place, mais ils devront encore patienter une bonne demi-heure avant que la voix du muezzin ne les autorise à manger.
Au menu : un bol de soupe brûlante, du pain, un fruit, un laitage, des dattes et une boisson froide. Voilà le plateau-repas qu’offre Chorba pour tous aux plus démunis qui n’ont pas la chance de prendre le ftour autour d’une table familiale garnie de pâtisseries mielleuses. Pour le douzième ramadan consécutif, cette association de l’Est parisien offre un souper à l’heure où le soleil se couche. Ce sont surtout de jeunes travailleurs maghrébins habitant les foyers du quartier qui viennent trouver ici un peu de chaleur. Il y a aussi quelques vieux immigrés à la retraite qui rompent le jeûne et la solitude, ainsi qu’une poignée d’étudiants étrangers en mal du pays. Les rares femmes attablées sont généralement accompagnées de leurs enfants. L’une d’entre elles, d’origine asiatique, n’est pas musulmane. Une mama africaine, venue avec une marmite vide, repart, le sourire aux lèvres et un potage fumant entre les mains.
Sous ce chapiteau, à l’inverse des cantines improvisées dans certaines mosquées, il n’y a pas l’ombre d’une barbe ni d’un hijab, que ce soit parmi les « invités » ou au sein de la soixantaine de bénévoles enthousiastes. Chorba pour tous rassemble des musulmans aux antipodes de ceux qui servent d’épouvantails aux médias. Et en ces temps de repli communautariste, il fait bon entendre Farida Ait Kaci, la dynamique présidente algéro-tunisienne de cette cantine, revendiquer haut et fort le caractère « laïque » d’une association qui s’active surtout pendant le ramadan ! « Il n’y a aucune dimension religieuse ou cultuelle dans notre initiative. Nous ne demandons à personne ses convictions », poursuit un bénévole de l’association qui fonctionne grâce à la générosité de donateurs. Unique signe extérieur de l’islamité de cet espace, la diffusion de l’appel à la prière qui annonce la fin du jeûne. Dès que le muezzin se tait, la laïcité, incarnée ici par des mélodies arabo-andalouses, reprend ses droits.
L’an dernier, Chorba pour tous a offert 52 000 repas, sans compter ceux qui n’ont pas été consommés sur place. Chaque soir, l’association assure trois services et nourrit 1 100 personnes, quelles que soient leurs croyances. Soucieuse de prouver l’ouverture d’esprit de son association, sa présidente ne manque pas d’organiser chaque année une fête oecuménique réunissant les représentants des chrétiens, des juifs et des musulmans. Elle a lieu le vingt-septième jour du ramadan, au lendemain de la nuit au cours de laquelle le Coran fut révélé au Prophète Mohammed.

Chorba pour tous, 170, rue de Crimée, 75019 Paris. Tél. : 01 40 36 17 50 ; http://www.chorbapourtous.org/

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