Tous responsables ?

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Les responsabilités de ce scandale africain – celui des « plus vieux prisonniers de guerre du monde », selon la Croix-Rouge – sont certes inégalement partagées. Mais le Front Polisario qui les détient, l’Algérie qui « couvre » leurs geôliers et le Maroc qui les a trop longtemps ignorés portent tous leur part de culpabilité dans le calvaire qu’ont vécu – et continuent d’endurer, pour 614 d’entre eux – les militaires marocains détenus dans les camps de la région de Tindouf(*).
Publié il y a trois mois, un rapport d’enquête de la fondation France-Libertés, peu suspecte a priori de sympathies pour le royaume chérifien, est venu confirmer les accusations jusqu’ici formulées par d’anciens dirigeants du Polisario ralliés au Maroc. Tortures, travail forcé, insultes, maladies non soignées, cas de folie, dépressions nerveuses, prélèvements obligatoires de sang… : les conditions de détention des prisonniers de guerre marocains sont accablantes, dégradantes, inadmissibles. Tout comme est contraire aux droits de l’homme le principe des libérations partielles, « par paquets », auxquelles se livre le Polisario depuis une quinzaine d’années en fonction de ses intérêts diplomatiques. Le Front, qui gère son stock de détenus comme on gère un butin de guerre, négocie âprement chaque élargissement auprès de commanditaires soucieux de se voir décerner un satisfecit humanitaire à peu de frais. La sélection se fait en tenant compte de l’ancienneté et le nombre (entre cent et trois cents à la fois) en fonction de la qualité du requérant, alors même que les termes du cessez-le-feu de 1991 imposaient au Polisario de libérer la totalité de ses quelque 2 300 prisonniers dès la fin des hostilités.

Ce scandale met également en cause les gouvernements algériens successifs. Sauf à croire qu’il existe une aliénation de compétence territoriale au profit de la RASD, la quasi-totalité des camps de prisonniers sont en effet situés sur le territoire de l’Algérie – dont l’armée a directement détenu jusqu’au milieu des années 1990, notamment dans la région de Blida, plusieurs centaines de militaires marocains avant de les remettre au Polisario. Enfin, l’indifférence dont ont longtemps fait preuve les autorités marocaines à l’égard du sort de leurs propres citoyens – au nom du rejet des libérations partielles, Rabat a ainsi refusé d’accueillir pendant six ans un groupe de deux cents prisonniers de guerre élargis en 1989 – n’a rien fait pour alléger les souffrances psychologiques et physiques de ces hommes. Certes, depuis l’avènement de Mohammed VI, en 1999, ce sujet n’est plus tabou au Maroc. Les journaux en parlent, des associations et comités de soutien ont été créés qui aident à la réinsertion des oubliés de Tindouf et des budgets spéciaux sont enfin consacrés à leurs familles. Reste à réhabiliter l’essentiel : la fierté d’anciens combattants convaincus d’avoir souffert pour leur patrie et qui, trop longtemps, eurent l’impression de ne pas exister à ses yeux.

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* Selon le CICR, le Maroc ne détient plus de prisonniers de guerre sahraouis depuis octobre 1996.

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