Public et privé main dans la main

La cinquième convention Europe-Afrique sur les services urbains a rappelé les bienfaits du partenariat.

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Le marché de la ville reste un enjeu crucial en Afrique. Au cours des quatre dernières décennies, la population africaine a été multipliée par trois à l’échelle du continent et par onze dans les zones urbaines. On estime que la population urbaine devrait encore quadrupler d’ici à 2100. Ce processus d’urbanisation correspond à l’ouverture du continent à l’économie de marché, d’essence fondamentalement urbaine. Ainsi, les mouvements de population génèrent des besoins d’investissement locaux considérables, alors que les villes ont en général une capacité d’investissement très faible et un stock d’équipements publics insuffisant ou obsolète. À l’initiative de la Chambre de commerce et d’industrie et du pôle universitaire de Bordeaux s’est tenue les 21 et 22 octobre la cinquième convention Europe-Afrique sur les services urbains en Afrique. Un enjeu considéré par Mohamed el-Yazghi, le ministre marocain de l’Aménagement du territoire, de l’Eau et l’Environnement, comme « un défi démographique et urbain s’inscrivant dans la perspective du développement durable ».
Le bilan de cette convention tient en un slogan : le partenariat entre public et privé est une nécessité pour l’aménagement des villes. Et si le volume des besoins et l’expertise requise justifient le recours à l’investissement privé, la nature des prestations qui sont d’utilité publique et l’accès des plus pauvres aux services de base (eau, électricité, logement, transports) impliquent l’engagement et la responsabilité des pouvoirs publics. Pris séparément, l’Aide publique au développement (APD), les emprunts d’État et l’investissement privé sont financièrement insuffisants et doivent être combinés.
Le partenariat public-privé (PPP) devrait donc être appelé à connaître un renouveau. Il s’inscrit entre les solutions extrêmes de la société d’État (monopole public) d’une part, et de la privatisation pure et simple (monopole privé) de l’autre. Le système PPP organise contractuellement entre l’État, ou une collectivité locale, et une entreprise privée, le partage des compétences, responsabilités et risques pour la production d’un bien ou d’un service d’utilité publique. L’exemple du secteur de l’eau au Sénégal avec sa structure tripartite est une bonne illustration de ce type de configuration. L’État définit la politique sectorielle de l’eau et la tarification. La Sones (Société nationale des eaux du Sénégal), société de droit privé détenue par l’État, effectue les investissements relatifs aux réseaux et branchements. La SDE, société privée, assure la maintenance du réseau et l’exploitation du service auprès des abonnés. Elle est liée à l’État par un contrat d’affermage, et à la Sones par un contrat de performance qui lui impose des taux de rendement du réseau, des normes de qualité du service, et un taux de recouvrement des factures (97 %). Ce modèle, qui suppose des règles du jeu claires et solidaires aux trois entités, semble fonctionner, à la satisfaction de tout le monde. Les partenaires, les salariés, les usagers, les bailleurs de fonds et surtout les communes, qui ont divisé par trois leurs dépenses d’eau depuis 1996.
Une architecture qui ne met cependant jamais à l’abri d’un gouvernement qui, dans le cadre de sa politique sociale, décide de baisser d’autorité les tarifs de l’eau ou de l’électricité dont il a la maîtrise, compromettant ainsi la rentabilité de l’activité de la société privée exploitante. Les factures impayées de l’État client restent un grand classique, et la compensation opérée par le partenaire privé sur les redevances dues à l’État n’est pas saine. Aussi ne faut-il pas masquer les difficultés et la désaffection récente du PPP. Les dirigeants de l’Agence française de développement invoquent de nombreuses raisons pour expliquer son actuel repli : absence ou inapplication des règles de bonne gouvernance, faiblesse des maîtrises d’ouvrage, notamment dans les évaluations des coûts et ressources des projets, risques élevés de nature politique, monétaire ou commerciale, mais, plus encore, le risque de rupture d’engagement des États.
Mais, de l’avis général des participants à la convention de Bordeaux, la cause principale des échecs du partenariat public-privé se résume à l’absence de prise en compte de la culture locale. Celle-ci est souvent ignorée, voire considérée comme un facteur de résistance au progrès. Pour preuve, les expériences réussies ont toutes intégré les aspects culturels. Outre l’exemple décrit plus haut de la SDE (Société des eaux) au Sénégal, citons ceux de la Lydec (Lyonnaise des eaux de Casablanca) au Maroc, de la CIE (Compagnie ivoirienne d’électricité), de la KfW en Ouganda. G. Vieï, le directeur général adjoint de la CIE, le reconnaît : depuis que tous les postes de caissier et de recouvrement de factures ont été pourvus par des femmes, à la place des hommes, le taux d’encaissement a bondi à 98 % ! Elles sont, de l’avis général, moins corruptibles que les hommes.

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