Maroc : le nouveau statut de l’homme
De passage à Rabat, j’entreprends de féliciter toutes les femmes que je rencontre pour le
nouveau statut que leur a octroyé Mohammed VI. Interloqué, mon ami Hamid, qui est venu m’accueillir à l’aéroport, me prend à part :
– Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu es fou ? Tu n’as rien compris ! Ce ne sont pas les femmes qu’il faut féliciter !
– Comment ? La fin de la répudiation, la suppression du tuteur, l’égalité devant la loi, ce n’est rien, ça ?
– Bien sûr, bien sûr. Mais c’est d’abord nous, les hommes, que le nouveau statut a libérés.
– Comprends pas.
– Mais si. Avant, nous étions responsables de tout. Responsables et coupables ! Une maison bringuebalante, un ménage bancal, des enfants mal élevés, tout était la faute de
l’homme. Maintenant, les deux époux sont responsables au même titre de la bonne marche du foyer. Depuis deux semaines, j’ai dû dire au moins cent fois : c’est pas moi, c’est Fatma (à propos, elle te passe le bonjour). Mon fils rate le bac ? C’est Fatma ! La parabole qui ne marche pas ? Fatma ! Tout s’écroule ? Fatma !
– Mais la polygamie…
– Une grande victoire pour les hommes ! Avant, pour prouver sa virilité, il fallait plusieurs femmes. Quelle fatigue ! Quelle corvée ! La bête à huit dos ! La jacasserie à mille bouches ! Aujourd’hui, on se contente d’une seule femme et on peut soupirer avec hypocrisie : que voulez-vous, c’est le nouveau statutÂÂ
– L’indépendance financièreÂ…
– …ÂÂ pour les hommes ! Enfin ! Il fut un temps où j’envisageais d’épouser une riche héritière. À moi le farniente et les siestes interminables. Mais ouiche ! Avec l’ancienne Moudawana, c’était tout de même à moi qu’incombait l’entretien du ménage. Mon maigre salaire d’instit’ pour faire bouillir la marmite, les millions de son papa pour le khôl et le superflu. Aujourd’hui, c’est moitié-moitié. Si Fatma était riche, je lui prendrais illico 50 % du magot !
– Je peux quand même les féliciter pour l’abolition du tuteur ?
– Commence par me féliciter, moi. Depuis que je ne suis plus tuteur de personne, ma vie est mille fois plus paisible. Par exemple, à chaque fois qu’il prenait fantaisie à l’une de mes soeurs de se marier, je devais accourir ventre à terre pour l’accorder à un pègreleux que je ne connaissais même pas la veille. Maintenant, elles se débrouillent, elles épousent qui elles veulent et je reste chez moi, bien au chaud. Vive M6 !
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