Les Kadhafi au secours des prisonniers marocains

Trois cents soldats détenus dans les camps du Polisario ont été libérés grâce à la médiation des Libyens. Récit.

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Le 6 novembre, le Maroc célébrait le vingt-huitième anniversaire de la Marche verte, qui a vu quelque 300 000 civils franchir, sans armes, en 1975, la frontière avec le Sahara occidental, répondant ainsi à l’appel du roi Hassan II pour « parachever l’intégrité territoriale » du royaume (voir J.A.I. n° 2234, p. 44). Dans un discours radiotélévisé prononcé à cette occasion, Mohammed VI a réitéré la disposition de son pays à « contribuer pleinement à toute solution politique » du conflit l’opposant aux séparatistes du Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et Rio del Oro (Polisario) à propos du Sahara occidental, à condition qu’elle tienne compte de la souveraineté du royaume sur ce territoire.
Ce même 6 novembre, la chaîne de télévision marocaine 2M diffusait, dans le cadre de son émission mensuelle Grand Angle, le témoignage poignant d’un ancien détenu marocain dans les camps du Polisario, à Tindouf, ville située au sud-ouest de l’Algérie. « J’ai failli mourir à deux reprises. Maintenant, j’apprécie tout ce qui m’arrive, et un simple verre d’eau fraîche suffit à mon bonheur. Car, là-bas, j’étais privé de tout, racontait Boujemaâ Benjeddi. Nous avons subi les pires tortures physiques et morales, et nous avons encore des amis qui subissent ces atrocités », ajoutait cet ex-pilote d’avion, qui a été détenu pendant vingt et un ans.
Au même moment, à l’hôtel Sheraton, à Alger, le secrétaire général du Polisario et « président » de la République arabe sahraouie démocratique (RASD, autoproclamée), Mohamed Abdelaziz, et Seif el-Islam Kadhafi, président de la fondation Kadhafi, donnaient une conférence de presse pour annoncer la libération imminente de 300 Marocains capturés au cours des affrontements entre les forces du Polisario et l’armée marocaine entre 1975 et 1991, date du cessez-le-feu conclu sous l’égide des Nations unies. Le roi Mohammed VI avait été informé, dans le courant de la journée, de cette libération, par un coup de téléphone du colonel Mouammar Kadhafi, dont l’intervention personnelle auprès du président algérien Abdelaziz Bouteflika fut décisive dans l’aboutissement d’une médiation entreprise à la demande de la Commission des droits de l’homme des Nations unies.
Auparavant, le chef du Polisario et l’envoyé spécial du Guide libyen s’étaient entretenus séparément – puis ensemble – avec Abdelaziz Bouteflika, avant de prendre part à un f’tour (repas de rupture du jeûne) offert en leur honneur, à la résidence d’État de Zeralda. « Le Front Polisario attend un geste similaire du gouvernement marocain », a indiqué le chef du Polisario, avant de demander à la Libye d’intervenir auprès de Rabat pour aider à la libération de « ses » prisonniers. Réponse diplomatique de Seif el-Islam Kadhafi : « Notre fondation attendra d’être saisie officiellement par la Commission des droits de l’homme des Nations unies avant d’engager une action en ce sens auprès du gouvernement marocain. »
L’opération de rapatriement des prisonniers devait intervenir le lendemain, vendredi 7 novembre, mais elle sera différée d’une journée en raison d’un contretemps logistique : les avions libyens mis à la disposition du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour transporter les prisonniers n’avaient pu rallier Tindouf à temps.
Le 8 novembre, en début de matinée, les prisonniers arrivent au camp Chahid-Cherif, près de Tindouf. On compte parmi eux des officiers, des sous-officiers et de simples soldats. « Ils ont été choisis selon des critères d’âge, d’état de santé et de durée de captivité », explique un membre du CICR. Les prisonniers sont ensuite confiés par le président du Croissant-Rouge sahraoui au représentant du CICR à Alger, en présence des membres de la fondation Kadhafi et de la presse. Seif el-Islam, qui a fait le voyage à Tindouf en compagnie de Mohamed Abdelaziz, s’entretient avec quelques-uns d’entre eux. « Ils avaient l’air de ne pas trop y croire », raconte l’un des conseillers du fils de Kadhafi.
Les deux avions libyens décollent de l’aéroport de Tindouf en fin de matinée pour se poser, deux heures et demie plus tard, à l’aéroport d’Agadir, à 600 km au sud de Rabat. Les prisonniers sont aussitôt pris en charge par les autorités militaires marocaines, qui les dirigent vers les hôpitaux où ils seront soignés avant d’être interrogés sur leurs conditions de détention.
Ce n’est pas la première fois que le Polisario libère des prisonniers marocains. En août dernier, 243 ont été élargis à la demande du chef du gouvernement espagnol José María Aznar. Une centaine d’autres l’avaient déjà été en février. Avec les rapatriements des années précédentes, le nombre total de Marocains libérés à ce jour s’élève à 1 603. Selon Olivier Durr, délégué du CICR dans la capitale algérienne, il reste 614 Marocains aux mains des séparatistes sahraouis. Considérés comme « les plus vieux prisonniers de guerre au monde », ils sont détenus dans divers camps du Polisario, aux environs de Tindouf. Ils continuent de recevoir la visite régulière des agents du CICR, qui leur apportent une assistance médicale et maintiennent les liens entre eux et leurs familles.
Rabat, qui continue de dénoncer la « politique de libération au compte-gouttes » suivie par le Polisario, envisage de porter le problème devant la justice internationale.

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