L’entrepreneur du rap

Le chanteur d’origine congolaise Passi sort un DVD et prépare son nouvel album, « Odyssée ».

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Si vous êtes âgé de plus de 25 ans et sans enfant, que vous n’écoutez pas la radio et que vous n’aimez pas le foot, peut-être ne connaissez-vous pas encore Passi. Compositeur de l’hymne de la Coupe d’Afrique des nations (Mali, 2002), disque d’or en 1997, 1998 et 2000 avec ses différents albums (Les Tentations, le collectif Bisso Na Bisso et Genèse), il est à nouveau en tête des ventes françaises de disques avec un premier single extrait de l’album Dis l’heure 2 zouk qui réunit quelques stars de la musique afro-caraïbe (dont Jacob Desvarieux, Jocelyne Labylle et Cheela). Joli palmarès pour ce trentenaire qui a fondé son propre label (Issap Productions) et oeuvre désormais à la promotion de nouveaux talents tout en menant une carrière solo polymorphe.
Passi est en effet chanteur, producteur, acteur et réalisateur. Il signe ainsi la mise en scène de son DVD (Passi, trente ans chrono, disponible avant Noël), aidé à la réalisation par son ami Ahmadou Njoya, jeune réalisateur camerounais, auteur de l’un de ses précédents clips (« On ne peut pas plaire à tout le monde »). Toujours entouré de ses proches, Passi ne se déplace jamais seul, dans la vie comme à la scène. En homme d’affaires cool et avisé, il arrive forcément en retard. Nous l’avons retrouvé dans un bistrot parisien, accompagné de Hamed Daye, jovial compagnon d’armes et de fourchette.
Loquace et de bonne humeur, il aime les mots, les rencontres et les mélanges. « La musique africaine et caraïbe ont plein de points communs, si tu joues le côté afro, le côté rap et le côté zouk, ça donne des musiques communautaires qui marchent. Fier de sa double culture, le jeune chef d’entreprise vante par ailleurs les mérites de l’éducation, familiale et scolaire, seule susceptible de changer l’avenir de tout « jeune Noir de cité chaude ». « Le Savoir est un arme » est devenu son message, valable pour les cousins africains de quartiers ou de villages lointains. « Si tu veux que ton enfant soit respecté dans le futur, il faut que ton enfant soit le maximum éduqué. Qu’il comprenne que le monde, c’est pas juste son village. C’est pas juste sa cité. Qu’il y a des bleus, des rouges, des verts. Et que tu peux faire 500 kilomètres et tomber sur la chance de ta vie. Voilà, c’est ça qui ouvre l’esprit. »
Passi sait de quoi il parle. Né en 1972 à Brazzaville (Congo), le futur chanteur arrive en France à l’âge de raison et s’installe avec ses parents à Sarcelles, en banlieue parisienne. Bon élève, il joue au basket, taggue et smurfe comme tous les petits copains du voisinage, avant de fonder le Ministère AMER (Action Musique Et Rap) avec Stomy Bugsy, son pote de lycée. Après la sortie d’un premier single, il poursuit ses études d’agronomie à l’université jusqu’à ce que la critique remarque leur premier album (1994) dont l’un des titres, figurant sur la bande originale du film La Haine (Mathieu Kassovitz, 1995) fera couler beaucoup d’encre… pour provocation et incitation à la violence.
En 1996, Passi travaille à nouveau pour le cinéma et signe la chanson qui accompagne le générique du film de Jean-François Richer (Ma 6T va craquer) sur le ras-le-bol des banlieues françaises. Concerné par ce qui se passe en France, le rappeur n’oublie pas ses racines africaines. En 1998, l’ambitieuse entreprise Bisso Na Bisso (« entre nous ») part en tournée humanitaire sur le continent et permet au jeune chanteur un retour au pays en grande pompe. Après le franc succès remporté sur le terrain, le groupe est récompensé par le Kora du meilleur groupe africain (équivalent des Victoires de la musique en France).
À le voir terminer la crêpe au sucre qu’il a commandée pour dessert, pas de doute, l’homme est gourmand. Son prochain album est prévu pour le début de 2004. Intitulé Odyssée, ce disque clôturera le triptyque entamé avec Les Tentations et Genèse. Notre héros, comme l’Ulysse d’Homère, se réfugiera-t-il alors sur sa terre natale pour s’accorder une trêve ? Rien n’est moins sûr.

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