La fin d’une exception japonaise

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Les sondages le donnaient largement vainqueur. Les électeurs en ont décidé autrement.
Junichiro Koizumi, le Premier ministre japonais, qui remettait son mandat en jeu le 9 novembre, va certes conserver son poste. Avec 244 sièges, sa formation, le Parti libéral démocrate (PLD) a, il est vrai, dépassé le seuil des 240 députés à la Chambre basse du Parlement et elle pourra gouverner seule. Mais si, depuis 1955, date de sa création, le parti de Koizumi a régné sans partage sur la vie politique de l’archipel, aujourd’hui, la donne a changé. La bipolarisation de la vie politique nippone est en marche. Car l’opposition de centre gauche dirigée par Naoto Kan a réalisé une impressionnante percée : avec 177 députés, en progression de 40 sièges, elle sera demain en mesure de proposer une alternative au PLD. Auparavant émiettée entre plusieurs formations, la
gauche japonaise a enfin trouvé le chemin de l’unité.
Après presque cinq décennies de croissance ininterrompue, l’économie est entrée en crise en 1993, une crise durable et pernicieuse, dont le pays, profondément ébranlé, a mis dix ans à se remettre. Le parti conservateur, qui est apparu pendant longtemps comme une
garantie de stabilité, a perdu beaucoup de son pouvoir d’attraction, et s’est aliéné des fractions croissantes de l’électorat : les jeunes et les femmes notamment. On pouvait craindre que l’hémorragie ne continue et qu’en l’absence d’alternative crédible à gauche ce stock d’électeurs flottants et désabusés ne se réfugie dans un vote protestataire
populiste. Aujourd’hui, ce risque semble écarté. C’est une bonne nouvelle pour la démocratie.

Le scrutin du 9 novembre est un prélude à une transformation en profondeur de la vie politique de l’archipel. Cette transformation ne sera pas sans conséquences pour le reste du monde. L’omnipotence du PLD a pendant longtemps stérilisé le débat public. D’une pauvreté affligeante, il se réduisait à des querelles de factions et de personnes. Désormais, il pourra s’organiser autour de la confrontation des idées et des projets. En politique intérieure. Mais aussi en politique étrangère. La formation de Naoto Kan a d’ailleurs en partie axé sa campagne sur l’Irak, s’opposant à l’envoi de soldats japonais dans ce pays décidé à rebrousse-poil de l’opinion publique par Junichiro Koizumi.
Un Japon plus politisé et moins consensuel pourra plus et mieux se faire entendre dans le concert des nations. Le pays est par exemple l’un des partenaires les plus fidèles et les plus généreux de l’Afrique. Mais, handicap majeur, faute de relief dans son discours, sa contribution à la gouvernance mondiale n’est pas reconnue à sa juste valeur. Pourtant l’archipel, toujours deuxième puissance économique du monde, pourrait faire infiniment plus. Le terrain compliqué des relations internationales a longtemps été soustrait au jugement des électeurs et confisqué par les diplomates conservateurs. Demain, il en ira
peut-être autrement, et cela aussi, c’est une bonne nouvelle.

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