Intense activité

Publié le 17 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Si vous passez à Tokyo ces temps-ci, vous aurez bien du mal à vous convaincre que le pays vient de traverser l’une des plus graves crises économiques de son histoire. L’activité y est intense, les quartiers d’affaires grouillent de monde et les magasins ne désemplissent pas. Il faut dire que le sport national au Japon – loin devant le base-ball, importé des États-Unis -, c’est la consommation. Bon an mal an, les Nippons y consacrent quelque 2 000 milliards de dollars (1 740 milliards d’euros), soit plus de trois fois la richesse créée sur l’ensemble du continent africain par ses 800 millions d’habitants. Cette boulimie ferait sourire si elle n’était pas quasi maladive : l’acte d’achat vient en effet compenser un rythme quotidien qui donne le vertige. En moyenne, un Japonais travaille plus de dix heures par jour, auxquelles il convient d’ajouter les deux heures passées dans les transports en commun. Ce qui laisse peu de temps pour les loisirs et, à l’exception de la télévision, restreint nettement les activités culturelles. D’où cette impression diffuse que les Japonais ont quelque peu perdu leurs repères et que les valeurs d’antan n’ont plus la cote. D’où, aussi, ce mimétisme ridicule à l’égard du « modèle » américain, poussé à son paroxysme, surtout par les jeunes dans le domaine musical.

Il est vrai qu’ici on est asiatique plus par la géographie que par le sentiment d’appartenir à un réel espace culturel commun. Espace certes difficile à imaginer tant les guerres du passé et les conflits avec deux voisins de taille – Chine et Corée – ont laissé des séquelles. Heureusement, aujourd’hui, l’assertion ne se vérifie plus totalement. Les nouveaux (et jeunes) dirigeants qui commencent à occuper le champ politique japonais savent que leur patrie ne pourra rester indéfiniment collée aux États-Unis et continuer à tourner le dos à sa sphère d’influence naturelle. L’annonce de l’envoi d’un contingent japonais en Irak – même après rétractation -, la volonté de Tokyo de participer coûte que coûte au règlement du problème posé par la Corée du Nord et son arsenal nucléaire, et sa demande de plus en pressante, à l’occasion d’une prochaine réforme du système des Nations unies, d’obtenir un siège au Conseil de sécurité, marquent un véritable tournant pour un pays qui ne veut plus être confiné dans une posture de « nain diplomatique ». À cela, il faut, sur le plan économique, ajouter ses appels du pied de plus en plus insistants à certains de ses voisins, notamment aux dix membres de l’Association des pays du Sud-Est asiatique (ASEAN) qui, avec la Chine, l’Inde et, bien évidemment, le Japon, ont contribué à transférer vers l’Est le véritable centre de l’économie mondiale. Et si les accords de libre-échange en cours de négociation entre ces différents mastodontes voient le jour comme prévu d’ici à 2012, l’Europe et les États-Unis – la nouvelle périphérie – auront du souci à se faire.

la suite après cette publicité

Voilà autant de raisons de saluer l’aide substantielle que le Japon, qui n’a pas de passé colonial en Afrique, apporte et entend continuer d’apporter à ce continent, dans un monde tellement obsédé par sa sécurité qu’il en vient à oublier les préoccupations de développement de trois milliards d’êtres humains. Voilà aussi pourquoi les leaders africains doivent prendre au sérieux le message qui leur a été délivré à Tokyo lors de la troisième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad) : la consolidation de la paix et la sécurité des populations sont plus que jamais au coeur des préoccupations du Japon. Elles vont, plus que toute autre considération, déterminer ses choix futurs en matière de coopération.
Des choix qui seront soumis à certaines exigences. À la tête de l’agence nippone de coopération, Sadako Ogata est chargée aujourd’hui de distribuer une manne de plus de 5 milliards de dollars par an, dont près de 20 % pour l’Afrique, celle-ci ne pesant pourtant que 2 % du total des exportations japonaises. Mais elle a d’ores et déjà clairement fait comprendre que cette manne ne saurait bénéficier à des États coupables de violations des droits de l’homme, ou indifférents au sort des populations dont ils ont la charge, comme elle l’a constaté à maintes reprises sur le terrain.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires