Féru de justice

Le célèbre acteur Clint Eastwood est aussi un réalisateur de talent. Qui porte un regard sans concession sur l’Amérique.

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

De l’avis d’une grande majorité de critiques présents au dernier Festival de Cannes, Mystic River, le dernier film réalisé par Clint Eastwood, aurait dû décrocher la Palme d’or. Rarement un film policier n’aura autant mérité la comparaison avec une implacable tragédie grecque.
Dans un quartier populaire de Boston, trois garçons, Jimmy, Sean et Dave, voient leur existence basculer lorsque le dernier d’entre eux est enlevé et violenté par des pédophiles. Vingt-cinq ans plus tard, ils sont de nouveaux réunis à l’occasion d’une enquête sur le meurtre de la fille de Jimmy. Celui-ci, soupçonnant Dave de ce crime, décide de se faire justice lui-même…
Pour son vingt-quatrième film, où sont réunis Sean Penn, Kevin Bacon, Tim Robbins et Laurence Fishburne, l’acteur principal des célèbres westerns-spaghettis de Sergio Leone critique de nouveau la violence de la société américaine. Une habitude remarquée : Clint Eastwood remet régulièrement en question les institutions et l’autorité, parce que, selon lui, le pouvoir est corrupteur. Il leur oppose souvent l’initiative individuelle d’un héros solitaire qui refuse – quitte à transgresser la loi – une société prompte à résoudre les problèmes de manière expéditive. Le lynchage et son corollaire, l’erreur judiciaire, déplaisent à celui qui incarna le bon, dans Le Bon, la Brute et le Truand…
Qui pouvait imaginer, en applaudissant pour la première fois le cow-boy désabusé du mythique Pour une poignée de dollars, de Sergio Leone, en 1965, que cet acteur alors inconnu deviendrait l’un des plus grands metteurs en scène d’Hollywood, et également l’un des plus progressistes ? Remarqué par Sergio Leone dans un western télévisé, Rawhide, Clint Eastwood a offert, grâce à ses prestations, un succès planétaire aux westerns du maître italien, tous tournés en Espagne dans le désert d’Almería. Découvert par Hollywood, il joue dans le western Pendez-les haut et court de Ted Post, où, survivant à un lynchage, il s’associe à un juge pour combattre l’injustice. Clint Eastwood devient ensuite l’inspecteur Harry, un policier individualiste qui corrige à sa façon les dysfonctionnements de la société américaine, mais incarne déjà les limites de la justice expéditive.
Ayant trouvé son thème de prédilection, Clint Eastwood passe de l’autre côté de la caméra. Il réalise des westerns comme L’Homme des hautes plaines, Joseph Wales hors-la-loi ou Pale Rider, mais aussi des films d’amour comme Sur la route de Madison, des drames sociaux, comme Un monde parfait ou des films d’anticipation comme Space cow-boys, tous célébrés par les critiques européens les plus exigeants.
À ceux qui s’étonnent de le voir filmer la biographie du jazzman Charlie Parker, dans Bird, ou consacrer un film à la musique country (Honky Tonk Man), Clint Eastwood prouve qu’il est également un musicien confirmé, au point de composer les thèmes de plusieurs de ses films, Bronco Billy, Le Maître de guerre, Les Pleins pouvoirs, et aujourd’hui celle de Mystic River. Le classicisme et la puissance de ce dernier film en font un des meilleurs de l’acteur-réalisateur depuis le sommet qu’avait représenté Impitoyable.
Ayant fait de la dignité humaine une des vertus cardinales à défendre, ce véritable gentleman de l’écran, exemplaire de modestie même quand il préside le jury de Cannes, ignore encore à ce jour ce qui aurait pu faire de lui un politicien du genre de Ronald Reagan ou d’Arnold Schwarzenegger : le cabotinage.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires