« Démocratiquement élu »

Publié le 17 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

L’élection présidentielle qui vient de se tenir en Mauritanie, celle prévue en Guinée avant la fin de cette année, ainsi que celles annoncées pour 2004, posent la question, mal résolue à ce jour, de la dévolution du pouvoir.
Neuf pays africains sur dix sont encore en phase pré-démocratique ! Ni en théorie ni en pratique, l’alternance au pouvoir n’y est quelque chose de familier ; le « comment accéder au pouvoir », le « pourquoi et comment le quitter » restent des questions en suspens.

Beaucoup de lecteurs nous ont interpellés lorsque nous avons approuvé le changement intervenu en Centrafrique et appelé à la transformation de cet acte violent en tremplin pour un nouvel ordre démocratique : comment pouvez-vous aller jusqu’à entériner un coup d’État ? nous a-t-on reproché.
On peut, bien sûr, juger discutable la position qui nous a conduits à approuver, dans ce cas singulier, le renversement d’un pouvoir, dont on a rappelé qu’il avait été démocratiquement élu, mais qui s’est délégitimé en devenant oppressif et sectaire, en prétendant s’éterniser.
À la réflexion, je crois que nous ne devrions en effet admettre un tel coup de force qu’à titre tout à fait exceptionnel. Et à la condition que ses auteurs, qui se présentent comme des redresseurs de torts accourus pour délivrer leur peuple de l’oppression, s’excluent, ou acceptent d’être exclus, de l’élection qui donnera un successeur au dirigeant qu’ils ont renversé.
Ils apporteraient ainsi la preuve de leur désintéressement.
C’est ce qu’a fait, au Mali, en 1992, Amadou Toumani Touré : donnant le très bon exemple, il n’a pas brigué la succession du président Moussa Traoré, qu’il avait renversé en mars 1991.
Et en a d’ailleurs été récompensé… dix ans après.

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Cela dit, je voudrais revenir sur l’expression « président démocratiquement élu », dont on nous rebat les oreilles et qu’on nous oppose comme le suprême argument. Combien sont-ils en Afrique, sur la cinquantaine de présidents en fonction, qui méritent pleinement cette appellation ?
Une petite douzaine, à mon avis, car, pour être démocratiquement élu, deux conditions doivent être remplies.
1. La grande majorité des observateurs impartiaux atteste :
– que les listes électorales étaient exactes et complètes ;
que le scrutin s’est convenablement déroulé ;
– et que ses résultats, même imparfaits, traduisent la volonté des électeurs.
2. Les adversaires du candidat élu reconnaissent – à moins d’être de mauvaise foi – qu’ils ont été battus à la loyale et adressent leurs félicitations au vainqueur.

Mais le mal le plus grand dont sont atteints beaucoup trop de pouvoirs africains, qu’ils infligent à leurs peuples, qui est facteur de fragilité et source de violence, est le sectarisme : mal ou bien élu, le président ne parvient pas à se hisser au niveau de la fonction. Au lieu de se mettre au service de la nation tout entière, d’être le président de tous ses concitoyens, il ne se préoccupe que des siens : sa famille, son ethnie, sa région et, lorsqu’il en a un, son parti.
Faute de place pour traiter convenablement de ce grave sujet, je vous propose d’y revenir, ici, la semaine prochaine.

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