Économie et santé, un mariage de raison ?

Établir un cadre de référence pour financer les politiques sanitaires : un objectif loin de mettre tous les professionnels d’accord.

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

« Investir davantage en faveur de la santé des plus démunis ». Tel était le thème de la deuxième consultation de la Commission macroéconomie et santé (CMS), tenue du 28 au 30 octobre dernier, au siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et qui a rassemblé autour de la même table plusieurs centaines de hauts fonctionnaires et de ministres de quarante pays, responsables de la Santé, du Plan et des Finances. La CMS est un projet phare du mandat de Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l’OMS jusqu’en juillet dernier. Présidée par Jeffrey Sachs, conseiller des Nations unies et président de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia (New York), elle devait être l’outil de coordination des actions de l’OMS avec celles des institutions macroéconomiques internationales (Organisation mondiale du commerce, Fonds monétaire international, Banque mondiale). Il s’agissait, d’une part, de ménager un espace vital pour la santé dans les politiques macroéconomiques, et, d’autre part, d’accepter de partager le contrôle des politiques de santé avec ces institutions.
Le directeur général de l’OMS, le docteur Jong-wook Lee, a ouvert cette réunion d’un genre nouveau avec un discours vif et tranchant. Il a accusé les pays donateurs de ne pas respecter les Objectifs du millénaire, élaborés par les Nations unies : « Au niveau actuel des déboursements de l’assistance internationale, il ne faudra pas douze ans mais cent cinquante ans pour réduire de deux tiers la mortalité infantile en Afrique. Les budgets santé sont inadéquats dans la plupart des pays en développement, et la charge financière sur les pauvres est inacceptable. » Il appelle à « plus d’investissements dans l’infrastructure de la santé, dans les ressources humaines et les technologies, à une échelle beaucoup plus importante que ce que l’on a jusqu’à maintenant reconnu comme nécessaire ou même possible. » Du jamais vu.
Jeffrey Sachs, connu pour son militantisme, s’est lui aussi fendu d’un discours politique improvisé, haut en couleur, dans lequel il fustige les donateurs, les accusant de ne pas tenir leurs promesses de financement : « Nous avons besoin d’une révolution pour faire respecter une justice mondiale. Réduire la pauvreté de moitié ne peut s’accomplir sans faire face au fardeau des maladies. Investissons dans les peuples, la stabilité sociale et le progrès plutôt que d’attendre l’explosion, trop chère pour tous. Ne soyez pas timides pour demander des subventions. »
Compte tenu de l’enthousiasme ambiant, le Fonds monétaire international a exprimé son point de vue avec modération. Peter Heller, directeur adjoint du département des Finances publiques et coprésident du groupe de travail « Comment faire de la santé un élément central du cadre macroéconomique national », a rappelé que l’ambition devait être réaliste : « Il faut un cadre fiscal viable. On ne peut pas bâtir des services de santé sur des ressources qui n’existent pas ou sur des donateurs inconstants. »
Mais comment alors réaliser un système de santé publique efficace ? Malgré la bonne volonté de l’OMS de vouloir associer macroéconomie et santé, les avis divergent. Pour les gouvernements, la balle est dans le camp des donateurs.
Une grande majorité de pays souhaiteraient bénéficier de financements destinés à l’élaboration de programmes sociaux faits par les pays eux-mêmes. La ministre kényane de la Santé se révèle ainsi une inconditionnelle de la démocratie directe. « Si les objectifs sanitaires n’ont pas été remplis précédemment, c’est que ces programmes étaient imposés d’en haut par les organisations de Bretton Woods, ne faisant qu’amplifier les difficultés des pauvres ». La réussite du Botswana témoigne du réalisme de cette politique. Avec une planification économique intégrant santé et éducation, comme dans les pays développés, le pays est passé, en trente ans, de l’un des plus pauvres au monde à un État à revenu intermédiaire. Le représentant de Gaborone a toutefois temporisé. Aujourd’hui, avec des épidémies comme celle du sida, « l’avarice des donateurs et le poids de la dette », le chemin pour offrir la santé à tous est encore long. La dette, le mot est lancé. Jong-wook Lee espérait que cette réunion serait une révolution, en favorisant des réductions de dette dont le bénéfice serait consacré au développement de la santé publique. Il n’y est pas encore arrivé, mais a au moins permis, en conviant ministres de la Santé et de l’Économie à la même table, d’ouvrir les débats à l’échelle internationale comme nationale. Avec, peut-être, un résultat lors de la troisième consultation de la CMS, en 2004.

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