Cohabitation à la congolaise

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

L’un des nouveaux vice-présidents de la République démocratique du Congo (RDC) se nomme Jean-Pierre Bemba. Sur la pelouse qui s’étend devant son domicile, un hélicoptère est prêt à décoller à tout moment. Juste au cas où lui, l’ancien chef rebelle soutenu par l’Ouganda, devrait se soustraire rapidement à une tentative d’assassinat.
Azarias Ruberwa est également vice-président. Autrefois appuyé par le Rwanda, il a été l’homme le plus méprisé de Kinshasa. Aujourd’hui, de jeunes rebelles armés patrouillent autour de son bureau, au bord du fleuve, et scrutent les environs avec des jumelles. Quand ils ne traînent pas dans les quartiers voisins en arborant des tee-shirts à l’effigie de leur leader.
Les deux autres vice-présidents ont, eux aussi, leurs petites manies sécuritaires. Ils se doivent, expliquent-ils, de rester en vie pendant la durée d’un processus de paix dont tout le monde ici redoute l’échec. On n’est jamais trop prudent dans un pays où quatre vice-présidents, soixante ministres, six cent vingt parlementaires et au moins une douzaine de factions armées sont appelés à se partager le pouvoir deux ans durant.

« En Afrique, explique Arthur Z’Ahidi Ngoma, l’un des vice-présidents, nous avons coutume de dire qu’il n’y a pas de place pour deux crocodiles dans le même marigot. Or à Kinshasa aujourd’hui, il y en a cinq, puisqu’il faut compter le président. » Z’Ahidi Ngoma est membre d’un groupe d’opposition non armé, mais ses deux gardes du corps ne sont jamais loin. Au début de l’année, deux de ses « collègues » ont tenté de le chasser du pouvoir. « Nous nous sommes tous engagés à coexister, j’appelle cela le miracle congolais. Mais il est vrai que certains d’entre nous souhaiteraient parfois voir les autres passer de vie à trépas », poursuit-il.
En RDC, la paix sera particulièrement difficile à imposer. Bien plus qu’ailleurs sur le continent. Mais elle est indispensable pour ramener sur la voie de la prospérité ce pays de 55 millions d’habitants disposant d’un énorme potentiel, mais qui, depuis des décennies, doit se battre pour survivre. Dernier épisode en date de la violente histoire du Congo : une guerre régionale qui, en cinq ans, a fait entre 3,3 millions et 4,1 millions de morts, pour la plupart victimes de la faim et de la maladie.
Les combats n’ont pas encore complètement cessé et la RDC aura fort à faire pour constituer une nouvelle armée réunissant les ennemis d’hier. Mais jamais l’espoir d’une paix durable n’a été aussi fort. C’est dans ce contexte que le président Joseph Kabila s’est rendu aux États-Unis, début novembre. Il s’y est entretenu avec le président George W. Bush et les représentants de la Banque mondiale et espère bien, dit-on, bénéficier du regain d’attention que la communauté internationale porte à son pays. « Sommes-nous sortis du bois ? s’est-il interrogé. Non, mais nous sommes dans la bonne direction : la savane n’est pas loin. »

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