Charles Murigande

Ministre rwandais des Affaires étrangères.

Publié le 14 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Comme Paul Kagamé, il est né dans une famille tutsie et a dû fuir le Rwanda à l’âge de 2 ans dans les bras de ses parents. Enfance au Burundi, études de mathématiques en Belgique, carrière de biostatisticien aux États-Unis… Charles Murigande rentre au Rwanda après la victoire du Front populaire rwandais (FPR) en 1994. À 45 ans, ce chrétien pratiquant ne boit pas et ne fume pas. Et depuis un an, il dirige la diplomatie de son pays avec la rigueur et la méthode d’un mathématicien.
Jeune Afrique/l’intelligent : Amnesty International affirme que l’armée rwandaise est toujours présente dans l’est du Congo. Plusieurs journalistes de la presse internationale le confirment. Quelle est votre réaction ?
Charles Murigande : Je vous déclare de la façon la plus catégorique que ce ne sont que des mensonges. Amnesty International se fonde sur les témoignages de membres de la société civile du Kivu qui n’acceptent pas la présence de Congolais rwandophones dans cette région. Tant qu’ils ne seront pas guéris de cette maladie, ils continueront de confondre un Banyamulenge avec un soldat rwandais.
J.A.I. : La MONUC dénonce des entraves dans ses opérations de vérification au Kivu. Pourquoi vos alliés du RCD-Goma l’empêchent-ils de travailler ?
Vous faites référence à un incident isolé. La MONUC s’est présentée devant un camp militaire du Nord-Kivu sans prévenir. Or nulle part au monde vous ne pouvez entrer dans une enceinte militaire sans accord préalable. Après autorisation du gouverneur, la MONUC a pu franchir l’entrée du camp sans problème.
J.A.I. : L’armée rwandaise pourrait-elle revenir au Congo ?
C.M. : Si demain les dizaines de milliers d’ex-FAR (Forces armées rwandaises) et Interahamwes qui sont toujours au Congo déferlent sur notre pays, nous nous estimerons en situation de légitime défense et en droit d’exercer des poursuites sur le territoire congolais. Mais, pour l’instant, une telle menace n’existe pas. Nous avons de vraies garanties du gouvernement congolais et de la MONUC contre une telle éventualité.
J.A.I. : Que répondez-vous aux Congolais, comme le député Enoch Serineza Ruberangabo, qui vous accusent d’entretenir la guérilla interahamwe pour justifier votre retour éventuel au Congo ?
C.M. : C’est une insulte de penser que le Rwanda peut nouer une alliance avec une force génocidaire. Nous ne transigerons jamais avec le devoir de mettre ces forces hors d’état de nuire.
J.A.I. : Mais pourquoi, sept ans après votre première intervention au Congo, n’avez-vous toujours pas réussi à détruire cette guérilla interahamwe ?
C.M. : S’il n’y avait pas, au Congo et ailleurs, des gens qui équipent ces forces génocidaires en armes et en munitions pour essayer de nous déstabiliser, nous les aurions éliminées depuis longtemps. Cela dit, avant notre première intervention en 1996, ces forces comptaient 150 000 hommes. Maintenant, elles n’en ont plus que quelques dizaines de milliers. Nous avons donc sérieusement réduit leur capacité de nuisance.
J.A.I. : Envisagez-vous des patrouilles communes avec l’armée congolaise au Kivu ?
C.M. : Pourquoi pas ? Si la nouvelle armée congolaise nous le demande, nous serons prêts à lui apporter une aide en hommes ou en matériel. Nous pourrons partager aussi du renseignement avec elle. Cela n’aurait rien de nouveau. Khartoum a bien invité l’armée ougandaise au Sud-Soudan pour faire face aux rebelles ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur.
J.A.I. : Le Rwanda ne s’intéresse-t-il pas aussi au Kivu pour ses richesses minérales ?
C.M. : Si vous faites allusion au dernier rapport de l’ONU sur l’exploitation illégale des ressources congolaises par des sociétés étrangères, je vous ferai remarquer que ce rapport ne cite que trois ou quatre entreprises rwandaises aux côtés de très nombreuses sociétés européennes ou américaines. Si l’ONU nous apporte la preuve qu’une société rwandaise s’est accaparée des richesses congolaises sans avoir payé ses impôts à l’autorité locale, notre gouvernement sera prêt à poursuivre cette entreprise pour vol.
J.A.I. : Neuf ans après l’opération militaire Turquoise au Rwanda, attendez-vous des excuses de la part de la France ?
C.M. : Le rôle que la France a joué au Rwanda en 1994 complique son rôle futur dans la région. Mais les complications sont là pour être levées. La présence du président Kagamé à Paris cette année, au sommet France-Afrique, est le signe que nous voulons tout faire pour nous réconcilier et collaborer avec la France. Quant à la question des excuses, il appartient à la France de décider comment elle doit faire face à son passé dans cette région.

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