Avec Nicole Fontaine à Ouagadougou

Publié le 17 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Le chef du gouvernement français Jean-Pierre Raffarin a bien essayé de la retenir pour qu’elle participe à une réunion interministérielle sur la politique énergétique de la France. Peine perdue. Nicole Fontaine, ministre de l’Industrie, n’a pas voulu renoncer à un rendez-vous de longue date pris avec le Burkina Faso. Pas d’avion de ligne ce jeudi ? Qu’à cela ne tienne, elle voyagera en avion privé. On ne résiste pas à cette femme énergique, qu’on appelait la Stakhanoviste du Parlement européen lorsqu’elle en était la présidente (1999-2002). Difficile de savoir quelles âpres négociations ont eu lieu, mais le résultat est : le 16 octobre, un chouette Falcon 900 B attend la ministre et sa délégation sur l’aéroport du Bourget. La société Aéro Services – une filiale d’Alcatel – l’a mis à sa disposition pour le prix d’un Falcon 50, car aucun appareil de moindre envergure n’était disponible.

Pour une journaliste davantage habituée à ranger ses genoux sous le menton pour survivre dans une classe économique surpeuplée, ce voyage vers Ouaga avait des allures de rêve. Toasts au caviar (belouga), dés de homard et carrés de foie gras signés d’un grand traiteur parisien, fauteuils en cuir immenses, une hôtesse de l’air sympa, un commandant de bord affable, ravi d’aller faire un tour en Afrique, continent qu’il connaît bien pour avoir passé une bonne partie de sa vie au Congo-Brazzaville et baroudé dans des coucous bien moins confortables. Bref, rien à redire. Il faut dire que, pour un devis de 52 500 euros hors taxes (34,4 millions de F CFA), on peut s’attendre à avoir de la qualité.
Nicole Fontaine connaissait déjà Ouagadougou pour y être allée en 2001, et c’est donc « en amie » qu’elle avait souhaité y revenir. La chaleur un peu moite de fin de saison des pluies n’a aucunement gêné cette femme de 61 ans, mince et élégante en toutes circonstances. Elle a mené son programme de visites tambour battant.
De la résidence de France, où elle était logée, aux locaux de la Chambre de commerce, la circulation était peu dense, et les motards officiels n’ont pas eu grand mal à lui ouvrir la voie. Les Ouagalais, étonnés, se contentaient de suivre des yeux ce convoi d’une quinzaine de voitures aux vitres teintées. La visite du marché de Sankaryaaré, à laquelle Nicole Fontaine tenait beaucoup, s’est ensuite déroulée dans une ambiance très bon enfant. Même l’officier de sécurité français semblait en vacances, rassuré par la présence d’agents de police et de deux militaires. Cornaqués par un « animateur » au micro grésillant, nous nous sommes promenés à travers les pavillons bien entretenus de ce centre destiné essentiellement au commerce de gros des fruits, mais dans lequel on trouve, bien évidemment, de tout. Sans l’ombre d’une hésitation, la ministre s’est engagée dans les petites allées, rendu obscures par les toits destinés à protéger de la chaleur, où flottait l’odeur forte des épices. Détendue, souriante et attentive à tout, aux parfums des oranges et des pamplemousses ou à la senteur forte des poissons séchés, la ministre semblait chez elle. Peut-être se souvenait-elle des étals de sa Normandie natale où, si l’on n’y rencontre point de maniocs ou de patates douces, on y débite aussi d’énormes carcasses de viande de boeuf. « Mais qui est-ce ? » murmuraient des femmes, cachées derrière des piles de bassines en plastique multicolores. « C’est une Suédoise », a répondu l’une d’entre elle, péremptoire, abusée peut-être par la chevelure blonde de Nicole Fontaine.

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Pourvus de plusieurs cadeaux, dont une cinquantaine de kilos d’arachides fraîches, nous sommes repartis en direction de l’hôtel de ville, que le maire, Simon Compaoré, tenait absolument à nous faire visiter. De congratulations en discours, nous en sommes venus à l’objet principal de ce voyage éclair : la remise, le 17 octobre au siège de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), de la légion d’honneur française au Sénégalais Moussa Touré, président de la Commission de l’UEMOA.
Qui a parlé de sieste après le déjeuner ? Pas du tout. Infatigable – enfin presque -, la petite délégation a repris la route pour se rendre dans un centre de réinsertion pour jeunes en difficulté, autrement dit un lieu d’accueil pour les enfants de la rue où Nicole Fontaine était allée lors de son voyage de 2001. Cinquante enfants y sont logés et nourris afin d’apprendre un métier. Maîtres et élèves s’étaient mis rapidement sur leur trente et un pour improviser un petit spectacle. On lisait dans leur regard un étonnement sans bornes de voir ainsi une personnalité française, dont ils ignoraient l’existence le matin même, s’intéresser à eux et, mieux, donner de l’argent pour leur bien-être. Un adolescent, attendant son tour pour présenter un bout de théâtre, lorgnait d’un oeil brillant l’appareil photo impressionnant de notre jeune attachée de presse. Envie d’une autre vie ?

Au Centre national d’artisanat d’art, l’« amie » souriante des Ouagalais s’est intéressée jusqu’au moindre détail à la technique, aux débouchés, à la commercialisation des objets qu’elle voyait se façonner sous ses yeux. Rapide cérémonie au palais présidentiel, dans un salon tendu de draperies, éclairé a giorno par un énorme lustre en cristal de Venise, la conversation avec le président Blaise Compaoré a virevolté de la filière coton à la francophonie, en passant par la situation politique en Côte d’Ivoire. Scoop : le chef de l’État burkinabè n’a jamais mis les pieds au Village artisanal, l’un des fleurons de l’industrie de son pays.
On ne repartira pas sans une réception à la résidence de France où l’ambassadeur Francis Blondet, dont l’humour est sans égal, nous a fait l’honneur d’un excellent buffet dans l’herbe, pour permettre… aux moustiques de se rassasier de nos jambes bien fraîches. Notre hôte nous a raccompagnés jusqu’à l’aéroport, où nous avons hélas ! abandonné le sac d’arachides, impossible à transporter en toute sécurité. Les sièges du Falcon permettent d’avoir des lits très confortables, mais après un tel marathon, je crois que nous aurions pu dormir sur des planches de bois.

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