Tous les chemins mènent à Tanger
Pour atteindre l’Europe rêvée, rien n’arrête les candidats à l’émigration clandestine.
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Ceux qui tentent de traverser le détroit de Gibraltar parce qu’ils sont persuadés que le paradis se trouve 12,7 kilomètres plus loin n’ont inspiré aucun politicien, mais toutes sortes d’artistes. Les réalisateurs, de documentaires (Tanger, le rêve des brûleurs, de Leila Kilani, 2003) comme de fiction (Et après, de Mohamed Ismaël, 2002), les ont mis en scène. Les romanciers (Les Clandestins, de Youssouf Amine Elalamy, 2000) et les chanteurs (Clandestino, de Manu Chao) ont raconté leur calvaire. À Tanger, ils font désormais partie du paysage. Et lorsqu’André Téchiné filme les retrouvailles amoureuses et tangéroises de Deneuve et de Depardieu dans Les Temps qui changent (2004), il ne peut passer sous silence la présence des immigrés clandestins et les montre au spectateur dans une course-poursuite aussi brève que violente.
Si Une éternité à Tanger aborde un thème largement traité, tout le mérite de cette bande dessinée est de parvenir à faire glisser le lecteur dans la peau de Gawa. Qui est Gawa ? Un jeune Africain originaire de Gnasville (lieu imaginaire et symbolique de toutes les villes africaines) né de l’imagination commune de Faustin Titi et Eyoum Nganguè, respectivement dessinateur ivoirien et journaliste camerounais. Tous deux lauréats du concours de l’association italienne Africa e Meditarraneo, ils inaugurent avec cet album – que l’on imagine volontairement naïf tant dans le dessin que par le texte -, le premier titre de la collection « AfricaComics » lancée par cette association.
Dans Une éternité à Tanger, ils déroulent sous nos yeux le long périple de Gawa depuis le premier jour où il quitte sa terre natale avec sous le bras toutes les économies prêtées par la famille. Pirogue, taxi-brousse, trek (obligé) dans le désert, la soif, la faim, la peur, les faux passeurs, les faux départs…. et puis, finalement, Tanger : l’ultime étape avant Mbengué (l’Occident). Sauf que l’étape et l’attente s’éternisent. Seules les illusions s’en vont. Gawa qui rêvait de voyage est condamné à l’immobilité. Depuis un promontoire qui surplombe la ville, il contemple l’Europe, si lointaine et si proche. La traversée est impossible et le retour en arrière tout autant.
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