Namur contre Hollywood

Mobilisation exceptionnelle à l’occasion du récent Festival du film francophone.

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

La vingtième édition du Festival international du film francophone de Namur (Belgique), qui s’est déroulée du 23 au 30 septembre (voir J.A.I. n° 2335), est à marquer d’une pierre blanche. Namur 2005 s’est transformé en véritable festival militant, brandissant haut et fort la bannière de la défense de la diversité culturelle. La manifestation se tenait à la veille d’une bataille cruciale : celle qui, à l’occasion de la 33e Conférence générale de l’Unesco, du 3 au 21 octobre 2005, voit s’affronter le bloc des pays opposés à la signature d’une Convention internationale sur la diversité culturelle (États-Unis, Japon, Pays-Bas…) aux nations (avec en tête la France, le Canada et de très nombreux pays africains) qui affirment que « la culture n’est pas une marchandise comme les autres » et qu’elle ne doit donc pas être incluse dans la libéralisation mondiale des biens et des services – régulée entre autres par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
L’enjeu est de taille, surtout au niveau de l’audiovisuel. L’industrie hollywoodienne et ses produits dérivés représentant désormais le premier poste d’exportation du pays (dépassant désormais Boeing et l’aéronautique), les États-Unis refusent aux autres pays le droit d’appliquer des quotas ou de prélever des taxes en faveur de leur audiovisuel national. Ces mesures limiteraient l’expansion d’Hollywood, devenue hégémonique et qui impose dans les faits une « monoculture » à l’ensemble de la planète. Et cela, en affirmant contre toute logique que l’audiovisuel n’est qu’un simple divertissement commercial (entertainment), qui doit être intégralement libéralisé. À cela, les défenseurs de la diversité culturelle rétorquent, à juste titre, que l’audiovisuel est toujours porteur, même involontairement, des signes d’une identité culturelle nationale et peut à ce titre être protégé et soutenu par les États.
C’est ainsi qu’au colloque organisé cette année par le Festival sur « La diversité culturelle et l’avenir de la création » on notait la présence, inhabituelle à Namur, du plus célèbre des cinéastes « politiques » francophones, Costa-Gavras. Affirmant que « l’on peut se fâcher un peu avec Hollywood tout en restant les amis des Américains », l’auteur de Z et d’Amen tirait la sonnette d’alarme à propos des accords bilatéraux de libéralisation des échanges commerciaux que les États-Unis veulent signer avec de nombreux pays du Sud, signifiant implicitement l’abandon par ces derniers de leur droit à choisir leurs politiques culturelles.
Et les cinéastes présents d’insister également sur « l’après- Unesco », précisant qu’une fois la Convention internationale sur la diversité culturelle adoptée, le pays d’Hollywood pourrait également, comme il l’a fait par le passé, user de toutes les formes de pression économique et politique afin de retarder ou empêcher la ratification de cette convention par le plus grand nombre possible d’États membres. Ces débats passionnants ont abouti à l’adoption d’un texte de mobilisation pour la défense de la diversité culturelle dans le monde intitulé « La Déclaration de Namur », signée sur place par les défenseurs de la culture francophone ainsi que par le grand public. Les différentes « Coalitions nationales pour la diversité culturelle » appellent aujourd’hui toute personne intéressée à signer on line (declarationdenamur@fiff.be).

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