Mort de Samora Machel

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Il arrivait toujours souriant et tendait sa grande main. Il donnait un bonjour lumineux. Et disait toujours « la luta continua ». Cet homme chaleureux, courageux, voire imprudent, coutumier des foucades à la Castro, aux colères homériques et au langage enflammé, était populaire et écouté dans les campagnes comme dans les villes. Avant, et peut-être encore plus après, que la mort ne vienne le surprendre dans un accident d’avion le 19 octobre 1986. Ce jour-là, Samora Machel, président du Mozambique, est à Lusaka. Il participe à une réunion avec des responsables politiques zambiens, des militaires et journalistes du pays. En début de soirée, le Tupolev 144 du maréchal quitte la capitale zambienne. Il survole le Zimbabwe et entre dans le ciel mozambicain à hauteur de Chicualacuala. La tour de contrôle de Beira, puis celle de Marrequanne, à trente kilomètres au nord de Maputo, sont en contact avec l’appareil. Rien d’anormal dans les messages qu’elles reçoivent. Ce seront pourtant les derniers. Dans un coin vallonné, là où la province sud- africaine du Transvaal s’incurve à la frontière du Mozambique et du Swaziland pour former un petit triangle, un endroit balayé par les vents, où il neige l’hiver, s’écrase alors l’avion du président, à 21 h 30 précises.

L’accident se produit à quelques centaines de mètres à l’intérieur du territoire sud-africain ; la bourgade la plus proche est – ironie de l’Histoire – Nkomati (Komatipoort, en afrikaans), berceau des accords de 1984 : les régimes de Maputo et de Pretoria signaient un pacte de non-agression et acceptaient de retirer officiellement leur soutien aux mouvements d’opposition armés des deux pays (l’ANC pour l’un, la Renamo pour l’autre). Jusqu’à aujourd’hui, les causes de l’accident qui a coûté la vie à trente-trois personnes – le président Machel, plusieurs dignitaires mozambicains, des diplomates africains et quatre des cinq membres soviétiques de l’équipage – ne sont pas élucidées. Deux thèses s’affrontent : un sabotage délibéré de la part de l’Afrique du Sud ou une erreur de pilotage. La première tient à la fois au contexte politique et aux témoignages de certains rescapés. Trois semaines avant le crash, six soldats sud-africains sont blessés par une mine dans la région précise où l’avion s’est écrasé. Le général Magnus Malan, ministre sud-africain de la Défense, avait alors accusé le Mozambique d’être à l’origine de cette dangereuse « semaille » et l’avait menacé de représailles. Au-delà des discours, les relations entre les deux pays avaient pris un ton aigre alors que le président Machel soutenait la limitation des relations commerciales internationales avec l’Afrique du Sud. Pretoria avait, dans la foulée, renvoyé des mineurs mozambicains travaillant dans les mines du Rand, dont les salaires constituaient une source de devises capitale pour Maputo. Les témoignages des rescapés semblent accréditer la thèse du sabotage. Des déclarations du navigateur soviétique ont fait état d’un bruit semblable à un coup de feu. Un autre survivant, Fernando Manuel João, a également affirmé avoir entendu un coup de feu, suivi de l’extinction des lumières pendant trois minutes avant de heurter les arbres.
Pretoria a, pour sa part, avancé l’hypothèse de l’erreur humaine. Des responsables de l’aviation civile au Mozambique ont parlé, eux, d’une mauvaise appréciation de l’altitude par le pilote. D’après certains experts, après avoir passé Chicualacuala, l’avion aurait dévié vers l’ouest, longeant ainsi la frontière sud-africaine. Quand le pilote a appelé Maputo pour qu’on allume les feux de l’aéroport, il a affirmé avoir passé Marrequanne et amorcé une descente. Or il semble bien qu’il se trouvait, à ce moment-là, au-dessus de Komatipoort. Les collines culminent à 700 m dans la région, il était inévitable qu’il les heurte en poursuivant sa descente.

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Seule la Renamo s’est réjouie à l’époque de la disparition de Machel. Alors que Maputo accueillait un nombre impressionnant de personnalités du monde entier venues rendre un dernier hommage au père de l’indépendance mozambicaine, tels Gueidar Aliev pour l’URSS, Maureen Reagan pour les États-Unis, Guy Penne pour la France, Julius Nyerere pour la Tanzanie, Thomas Sankara du Burkina, Oliver Tambo de l’ANC ou Mario Soares, président du Portugal. Ils ont gardé l’image d’un homme pétillant de vie sanglé dans une tenue de maréchal, le visage envahi par une barbe de maquisard.

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