Le Web doit-il devenir mobile ?

Le succès du téléphone cellulaire ouvre la voie à de nouvelles utilisations. Au risque de nuire à l’essor du secteur informatique africain.

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 5 minutes.

Téléphoner, c’est bien. Surfer sur Internet, c’est mieux. Voilà résumé en deux phrases simples, voire simplistes, le virage que l’Afrique doit désormais prendre. En moins de dix ans, le téléphone cellulaire a ouvert au monde des millions de personnes qui n’avaient jamais passé un coup de fil auparavant. Mais le fonctionnement de la société moderne repose aussi sur Internet, tant pour la messagerie électronique que pour les sources innombrables d’information auxquelles il donne accès. Reste à savoir qui, du téléphone ou de l’ordinateur, représente le meilleur moyen d’apporter Internet sur le continent.
Il n’y a pas de doute que la progression du téléphone mobile en Afrique va se poursuivre. Il en va de la croissance de l’activité des opérateurs qui, pour proposer de nouveaux services à leurs clients et les amener à consommer plus, améliorent progressivement les infrastructures existantes – les pylônes qui relaient les communications téléphoniques – pour qu’elles puissent transporter un signal Internet. Pour simplifier, il s’agit de diffuser plus de données (l’image et le son) sur des canaux prévus pour le son seulement. La technologie numérique le permet et deux normes, l’une américaine, l’autre européenne, s’affrontent, plus particulièrement en Afrique où tout, ou presque, est à faire : le CDMA (jusqu’à 150 kbits/s) et le GPRS (128 kbits/s), extension du GSM actuel (9,6 kbits/s). À terme, chacune peut évoluer vers des performances plus élevées, avec l’UMTS (2 Mbits/s).
Le monde informatique, lui aussi, a réussi à faire passer un signal plus large dans des tuyaux prévus, à l’origine, pour de simples communications téléphoniques : jusqu’à 20 Mbits/s avec l’ADSL2, contre 56 kbits/s pour les modems traditionnels – qui sont encore le seul moyen d’accès à Internet dans bien des pays enclavés. Mais les câbles qui supportent de tels hauts débits sont ceux du Réseau téléphonique commuté (RTC) – le réseau classique – qui restent souvent à déployer, et le coût des travaux est sans commune mesure avec celui de l’installation d’une borne cellulaire tous les 30 à 50 km. Le satellite est une bonne solution de remplacement, mais ses coûts d’utilisation le réservent aux entreprises. L’avenir réside sans doute dans les normes informatiques Wi-Fi et Wi-Max, dont le succès ne se dément pas aux États-Unis. Le Wi-Fi permet d’être relié sans fil tout en restant dans les mêmes locaux, et le Wi-Max constitue son extension jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres. Ces deux systèmes offrent le haut débit (jusqu’à 10 Mbits/s) et permettent d’éviter de mailler un immeuble ou un territoire de coûteux câbles.
« Il y a bien deux axes de développement différents, mais ils doivent être parallèles, comme cela se produit ailleurs dans le monde », explique Antoine Perrault, directeur technique de Cisco pour l’Afrique subsaharienne. Spécialiste des matériels et solutions de communication informatique, ce groupe américain équipe 80 % du réseau Internet dans le monde. Si le cellulaire et le RTC peuvent, à terme, donner accès à Internet, les débits du premier restent limités et seuls ceux du second donnent accès au réseau informatique mondial dans toute sa plénitude : « C’est Internet, pas le téléphone, qui va amener le développement économique en Afrique, tant pour les entreprises que pour les gouvernements », poursuit Antoine Perrault, faisant référence aux multiples moyens de développer les activités économiques qu’offre le commerce électronique (e-commerce), mais aussi ses applications dans la vie publique des pays. Les spécialistes placent ces dernières sous la bannière « e-administration ».
Dans le secteur privé, le constructeur informatique américain Dell est souvent cité en exemple comme l’entreprise ayant obtenu les meilleurs gains de productivité grâce au commerce électronique. Les compagnies aériennes low-cost lui ont d’ailleurs emboîté le pas. De telles sociétés ont pour caractéristique commune de limiter au maximum leur présence commerciale physique : la vente en ligne en tient lieu. Les frais de location de bureaux et la rémunération des personnels commerciaux s’en trouvent ainsi limités. L’achat d’un ordinateur neuf dans le premier cas, d’un billet d’avion dans le second, s’effectue sur un site Internet. Sans le savoir, le client qui procède à cette simple manipulation déclenche une série de programmes. Exemple avec le système informatique de Dell. La commande est envoyée au logiciel qui gère la production, qui actionne les éventuels achats de composants électroniques et de périphériques, gère leurs délais de livraison et inscrit l’ordinateur à assembler dans le planning de fabrication. À chaque étape, les interventions humaines, les plus coûteuses et souvent sources d’erreur, sont limitées à des opérations de suivi et de contrôle.
Des réflexions sont en cours sur le continent, notamment au Sénégal, pour appliquer de telles méthodes au fonctionnement des instances publiques. C’est l’e-administration, qui peut trouver son utilité aussi bien dans l’éducation des jeunes ou le recensement des populations et de leurs besoins, que dans l’amélioration de l’efficacité de la collecte d’impôts ou la gestion des problèmes de santé publique. Plusieurs développements sont en cours dans ces domaines sur le continent, dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). L’une des plus vastes installations se trouve en Éthiopie, où Cisco a installé des ordinateurs dans 1 500 écoles, qui permettent de relier, par Internet, autant de villages au reste de la planète. Le système sert notamment à harmoniser les efforts d’éducation des enfants en diffusant les mêmes programmes de formation que dans les villes. Le procédé de téléphonie sur Internet (VoIP, Voice over Internet Protocole), a également permis aux villageois de passer le premier coup de téléphone de leur vie. Des développements sont en cours pour que les paysans puissent avoir accès aux prix des denrées sur les marchés voisins et choisir celui auquel il vaut mieux se rendre pour écouler leurs productions.
Mais le coût d’une telle installation est hors de portée pour des villages isolés. Le téléphone mobile peut alors constituer une alternative. En attendant de trouver un modèle économique pour que les liaisons à haut débit pour Internet, encore trop chères, ne soient plus réservées à un trop petit nombre de pays africains.

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