Les petites tombes du Niger

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Il est difficile pour des lecteurs occidentaux qui luttent contre leur surcharge pondérale de comprendre ce que ressentent des gens qui meurent de faim. Le Niger, 177e et bon dernier pays au classement du développement humain du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement), est un bon exemple des aberrations d’un système d’aide international totalement inefficace.
L’erreur la plus grave est notre refus d’apporter à l’agriculture une aide qui permette d’accroître la production alimentaire. Nous n’envoyons des tonnes d’aide d’urgence que lorsqu’il y a déjà des morts. Au Niger, il était évident depuis le début de l’année que la famine menaçait. On n’a pas donné suite en février, pourtant, à un appel d’urgence de l’ONU, qui demandait une aide de 3 millions de dollars. Mais, lorsque la BBC a diffusé des images d’enfants agonisants, au mois de juillet, le Niger a reçu plus d’aide en dix jours qu’au cours des huit mois précédents.
La vérité est qu’au Niger la famine est permanente. Il y a eu une crise l’an dernier, et il y en aura une l’an prochain. La famine de 2005 a été particulièrement grave, mais tous les ans, en moyenne, il meurt au Niger 160 000 enfants de moins de 5 ans. Autrement dit, toutes les semaines, ce petit pays de 10 millions d’habitants est victime d’un 11 Septembre qui ne tue que des enfants. Et pourtant, personne ne s’écrie : « Nous sommes tous des Nigériens ! »
Problème : la loi américaine exige généralement que l’aide offerte par les États-Unis soit achetée sur des marchés américains et livrée par des navires américains. La conséquence est qu’une grande partie de la donation est gaspillée en frais de transports, que la livraison est retardée, et que, lorsqu’elles arrivent à bon port, nos céréales cassent les prix locaux et découragent les incitations de production à long terme. Il faut mettre au crédit du président George W. Bush qu’il a essayé d’assouplir ce système, mais les membres du Congrès lui mettent des bâtons dans les roues parce qu’ils font passer les votes des fermiers avant les vies africaines.
La priorité des priorités, c’est une initiative internationale qui relance la révolution verte en Afrique. Les paysans d’Afrique tropicale récoltent 1 700 kg de blé à l’hectare, contre 5 500 pour les Chinois. Selon de bons agronomes, ils pourraient tripler leur récolte s’ils utilisaient des semences et des engrais modernes. Mais, au Niger, les sols dégradés sont loin d’assurer la soudure. Une récolte fait vivre trois mois. Après, c’est la sous-alimentation. L’explication ? En Afrique subsaharienne, on n’utilise que 9 kg d’engrais à l’hectare, contre 206 kg dans les pays industrialisés.
Même le peu d’argent que nous donnons ne sert à rien. Sans une révolution verte en Afrique, nous retournerons tous les ans au Niger. Et autour de tous les villages que j’ai visités, il y aura de plus en plus de petites tombes.

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