Le progrès à petits pas

Chargé par Microsoft du programme IT Academy pour l’Afrique de l’Ouest, centrale et de l’Est, Jacques Bonjawo est responsable de 46 pays où il doit mettre en uvre un plan d’action pour l’appropriation des technologies de pointe par les institutions unive

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Incontournables pour le développement et la lutte contre la pauvreté, les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont connu des avancées notables en Afrique au cours des dernières années, notamment dans le domaine du téléphone portable. Dans la totalité des pays d’Afrique subsaharienne, y compris les plus pauvres, la participation à la mondialisation de l’économie est désormais matérialisée par un développement explosif de l’accès au téléphone portable. Il y a à peine quatre ans, le Nigeria, l’un des pays les plus mal lotis du monde en matière de télécommunications, entrait dans l’ère du téléphone cellulaire. Une petite révolution s’est opérée dans ce pays. MTN Nigeria, la filiale locale de l’opérateur sud-africain MTN, y a largement contribué en mettant à la disposition des consommateurs des centaines de milliers de lignes de téléphone portable, au point que le Nigeria constitue désormais le plus grand marché de cette multinationale.
L’expérience du Nigeria est loin d’être un cas isolé. L’introduction du téléphone portable en Afrique subsaharienne s’est généralisée à partir de l’année 2000, et la concurrence entre les opérateurs privés a largement favorisé le taux de pénétration du téléphone, qui dépassait déjà 5 % au début de l’année 2003, contre à peine 1 % en 1990. Ces chiffres sont certes encore faibles par rapport aux critères mondiaux, mais ils prouvent que la croissance en Afrique subsaharienne a été quasi exponentielle. Les conséquences économiques et sociales d’une telle mutation sont considérables. C’est ainsi qu’au Sénégal des agriculteurs utilisent les services de téléphone portable de Manobi, une petite entreprise locale, pour connaître les cours de leurs produits sur les autres marchés et même déterminer quelles cultures seraient plus rentables. Ce procédé aurait également permis à certains fermiers d’éliminer les intermédiaires en s’adressant directement à des marchés plus profitables.
Tout autres ont été le développement et la pénétration des équipements et matériels informatiques en Afrique subsaharienne. Malgré des progrès accomplis ici et là dans quelques pays, la mise en place des inforoutes dans la quasi-totalité des pays africains bute sur un manque d’équipements informatiques, des contenus encore trop peu développés pour attirer les utilisateurs potentiels, et un niveau de formation insuffisant. L’Afrique représente près de 12 % de la population du monde, mais l’Afrique subsaharienne compte moins de 2 % des lignes téléphoniques. Ces inégalités entre le Nord et le Sud se doublent d’inégalités dans les pays eux-mêmes. À mesure que la mondialisation progresse, les grandes villes ont tendance à se déconnecter de plus en plus de l’arrière-pays. De même, il existe un problème récurrent de manque d’équipements informatiques, lié essentiellement à celui du coût du matériel.
Paradoxalement, ces obstacles peuvent constituer une chance pour le continent. En effet, les TIC offrent la possibilité aux pays en développement de sauter les étapes traditionnelles du développement. Côté équipement, la solution des télécentres représente une option viable qui permet à un grand nombre d’utilisateurs d’accéder au réseau sans ordinateur personnel. Côté infrastructure, des projets de câblage comme celui de la multinationale AT&T visant à entourer le continent d’un câble sous-marin de 28 000 km est une initiative allant dans le bon sens. La mise en oeuvre d’un tel projet réduira les coûts de communications et améliorera la connectivité entre pays africains, qui perdent chaque année des centaines de millions de dollars, car ces communications sont obligées de transiter par l’Europe ou les États-Unis avant de revenir sur le continent. Enfin, en ce qui concerne la formation, le faible taux d’alphabétisation dans les pays africains constitue sans aucun doute un obstacle à la diffusion et à l’appropriation des TIC.
Au demeurant, le vrai défi demeure politique. Seule une action volontariste peut favoriser l’émergence des pays africains et corriger l’insuffisance en formation, en équipements et en infrastructures téléphoniques. Une action conjointe et coordonnée des pouvoirs publics, des acteurs économiques, des organisations non gouvernementales et des institutions internationales peut permettre aux pays africains de rallier le mouvement du développement en utilisant les nouvelles technologies à bon escient, sans exclure la plus grande partie de la population.

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