Le Parti communiste chinois

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Il peut sembler que tout va pour le mieux pour le Parti communiste chinois. En Chine même, rien ne s’oppose à son autorité. Sur le plan international, on ne parle plus du déclin de la Chine, mais de son réveil. On nous rebat les oreilles avec ces diplomates chinois grands voyageurs qui virevoltent autour de leurs homologues américains et européens, qui passent accord sur accord et font briller l’image de Pékin aux quatre coins du monde. Mais des forces inexorables se dressent contre la survie à long terme du Parti communiste en Chine, et ses chances de garder le pouvoir pour un nouveau bail de trente-cinq ans sont fort minces.
Finalement, le Parti pourrait être victime de son propre miracle économique. Sa réticence à instaurer l’État de droit et sa tendance persistante à l’interventionnisme économique pourraient freiner la remarquable croissance de la dernière décennie. Mais supposons que la Chine continue à prospérer. Trente-cinq autres années de solide croissance économique (même au taux plus faible de 5 % par an) donneraient un revenu annuel par habitant d’environ 7 000 dollars. Les membres des professions libérales, les propriétaires et les capitalistes actifs se compteront alors par centaines de millions. L’Histoire nous enseigne qu’il sera à peu près impossible à un régime totalitaire de se maintenir au pouvoir dans une telle société moderne, surtout si elle est aussi nombreuse et aussi diverse que la société chinoise.
Si la réussite économique ne met pas fin au règne du parti unique, la corruption pourrait s’en charger. Les gouvernements qui échappent aux contraintes deviennent inévitablement corrompus et rapaces. C’est le cas dans la Chine actuelle. La discipline de parti a disparu. On vend couramment des postes de responsabilité pour son enrichissement personnel. Les effets cumulatifs d’une corruption officielle généralisée peuvent transformer une autocratie bénéficiant d’un développement économique en régime prédateur. L’expérience de l’Indonésie du général Suharto montre que les autocraties prédatrices ont du mal à profiter de forts taux de croissance pour instaurer une stabilité politique. Dans ce pays, trente années de croissance spectaculaire n’ont pas permis de sauver le régime.
Les autocraties en expansion économique recèlent les graines de leur propre destruction, principalement parce qu’elles n’ont pas la capacité institutionnelle ni la légitimité nécessaires pour absorber les chocs économiques. Dans cette ère postidéologique, la seule justification du monopole du parti est sa capacité d’améliorer les conditions de vie du peuple chinois. Le parti affiche un amalgame de marxisme-léninisme et de nationalisme chinois, mais ne se montre guère crédible. Un parti dominateur qui ne s’appuie pas sur de solides valeurs n’est pas mobilisateur. Ses propres dirigeants sont désenchantés et s’interrogent sur son avenir. Il est significatif que beaucoup d’entre eux, dont un gouverneur provincial, consultent régulièrement des voyantes.
Un parti capable de se réinventer et de se régénérer pourrait écarter les dangers qui menacent. Mais le Parti communiste chinois est de plus en plus sclérosé. En 2040, il aura 119 ans et aura été au pouvoir 91 ans. Aujourd’hui, il n’y a plus dans le monde de régime septuagénaire à parti unique. Non sans raison.
Dans les sociétés démocratiques, les partis politiques changent tout le temps. Mais les régions à parti unique n’ont pas de raison intrinsèque de se réorganiser et guère de capacité à redresser la barre. Les tensions et les erreurs accumulées ne sont pas corrigées, jusqu’à ce qu’elles provoquent des crises graves. Le Parti communiste chinois a déjà connu un tel enchaînement, et la Révolution culturelle l’a presque conduit à sa perte. Il ne s’est remis de cette quasi-autodestruction qu’en se réinventant complètement et en adoptant une politique nettement anticommuniste de conversion à l’économie de marché.
Sera-t-il aussi heureux la prochaine fois ? Si les voyantes sont honnêtes, elles diront aux dirigeants chinois que l’avenir n’est pas brillant.

Minxin Pei est le directeur du Programme Chine de la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

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