Coronavirus : à Madagascar, lancement d’un nouveau laboratoire après des erreurs de diagnostic
Après des « erreurs » dans les résultats de tests menés conjointement par l’Institut Pasteur de Madagascar et les autorités sanitaires locales, le président Andry Rajoelina a annoncé l’ouverture d’un nouveau laboratoire avant le 26 juin.
Ce jeudi 7 mai, l’étonnement et les interrogations ont gagné la cellule de gestion de crise du Covid-19 à Madagascar. La veille, l’Institut Pasteur, le centre d’analyse de référence du pays, a détecté 67 nouveaux cas de coronavirus dans les échantillons que les autorités sanitaires lui ont transmis [l’institut ne s’occupe que des analyses et non des prélèvements, ndlr]. C’est environ six fois plus que la moyenne des bilans quotidiens.
« C’était inexplicable », se souvient Lalatiana Rakotondrazafy, porte-parole du gouvernement. Le président Andry Rajoelina lui-même décide alors de procéder à de nouveaux tests. Ces prélèvements sont effectués par le laboratoire Mérieux, rattaché à l’Université d’Antananarivo, et les analyses sont confiées conjointement à Pasteur et Mérieux. Dix jours plus tard, lors d’une allocution télévisée, le président Rajoelina annonce que les nouveaux résultats sont sans appel : il n’y a plus que 10 patients positifs sur les 67, soit 85 % de tests erronés.
En coulisses, certains conseillers de la présidence parlent de « manipulation politique » visant à faire gonfler les chiffres du nombre de cas de Covid-19, sans toutefois nommer de coupables. Lors d’une allocution télévisée, le 17 mai, Andry Rajoelina s’est lui aussi interrogé : « Était-ce une défaillance ou un acte volontaire pour semer le trouble ? ». Sans préciser s’il s’agit d’une relation de cause à effet, le chef de l’État a par ailleurs annoncé le lancement d’un nouveau laboratoire avant le 26 juin, date du 60ème anniversaire de l’indépendance. On ignore néanmoins si la nouvelle structure remplacera Pasteur ou si elle viendra augmenter les capacités de tests.
Mesure de l’efficacité du Covid-Organics
Comment expliquer de tels écarts entre les deux séries de prélèvements ? « Notre investigation n’a pas montré de dysfonctionnement dans le processus de diagnostic, a déclaré le directeur de Pasteur, André Spiegel, le 15 mai, lors d’une conférence de presse. Mais tout n’est pas encore élucidé. Une charge virale exceptionnelle dans un échantillon a pu en contaminer d’autres sains », reconnaît-il, sans que l’on sache s’ils l’auraient été avant ou après leur arrivée au laboratoire.
Côté gouvernement, le président Rajoelina « n’a pas été satisfait des réponses données », déclare Lalatiana Rakotondrazafy, qui annonce que les investigations se poursuivent. Les autorités malgaches enquêtent aussi sur la chaîne de prélèvements, dont les équipes, récemment constituées, ne sont pas autant expérimentées que celles de l’Institut Pasteur. Depuis le début de l’épidémie, ce dernier a mené plus de 5 000 tests, à 18,5 euros de coût brut, soit près de 100 000 euros. « Nous ne recevons pas d’argent de la part de l’État malagasy », a précisé l’institut lors de la conférence de presse.
À Madagascar, si les tests mesurent l’avancée de la pandémie, ils évaluent aussi indirectement l’efficacité du Covid-Organics (CVO), la tisane « préventive et curative » contre le coronavirus, à base d’artemisia. Depuis début avril, le président fait la promotion de ce « remède miracle » qu’il a déjà offert à une vingtaine de pays africains. Son efficacité, qui n’a pas été prouvée scientifiquement mais suscite l’espoir d’une partie de la population, pourrait être contredite si le nombre de cas venait à augmenter soudainement à Madagascar.
Sur les trois derniers jours, le pays a compté respectivement 45, 21, puis 18 nouveaux cas. Le 17 mai, Madagascar a aussi annoncé son premier mort du Covid-19. « Toutes les personnes récemment atteintes n’avaient pas pris de CVO », a précisé le président Rajoelina qui n’a, cette fois, pas contesté les résultats des dépistages.
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