Démocratie à l’afghane
Gaït Archambeaud s’est penchée sur les avatars d’un projet de société conçu de l’extérieur pour s’appliquer à un pays meurtri par vingt-cinq ans de guerre civile.
Après les talibans, la démocratie ? Tel était le pari de la communauté internationale, inscrit dans les accords de Bonn de décembre 2001. Onze pages rédigées en anglais, « qui se fondent sur le droit des Afghans à décider pour eux-mêmes selon les principes de l’islam, de la démocratie, du pluralisme et de la justice sociale » et qui ont inspiré la Constitution de janvier 2004.
Gaït Archambeaud, docteure en science politique et « militante des droits humains », s’est penchée avec une grande précision historique, juridique et sémantique sur les avatars de ce projet de société, conçu de l’extérieur pour venir s’appliquer à un pays meurtri par vingt-cinq ans de guerre.
L’auteure a choisi le principe d’égalité pour illustrer son propos. Égalité civile, religieuse, juridique et, aussi, ce qui n’est pas sans incidences pour cette mosaïque de peuples, égalité politique et droit des minorités. Mais les meilleures intentions du monde n’ont mis fin ni au trafic de la drogue ni à l’achat des voix lors des scrutins présidentiel et législatifs. Le pouvoir central, incapable d’affronter directement les seigneurs de la guerre, n’est pas davantage parvenu à les amadouer en leur offrant des maroquins ministériels. La recrudescence de la violence, notamment dans le sud et l’est du pays, n’est guère plus encourageante.
L’auteure évoque longuement l’évolution de la condition féminine. Pas question de se voiler la face : « La situation est préoccupante », les chiffres sont éloquents. « Quinze mille femmes meurent chaque année en périnatalité, c’est là leur première cause de décès », 80 % d’entre elles sont illettrées, 1 % à 2 % seulement possèdent une carte d’identité et sont des citoyennes à part entière. Sans parler des violences conjugales, de l’absence de recours pour les victimes de viols ou, tout simplement, du poids des traditions et de la structure patriarcale de la famille. Autant de facteurs qui, pour Gaït Archambeaud, posent « la question de fond », celle de la reconnaissance de la femme « comme un individu juridique autonome », comme « être humain libre de plein droit ».
Dans ce livre où perce, en filigrane, l’angoisse de voir l’aide internationale s’amenuiser et l’ennui gagner les « généreux donateurs », il reste un bonheur. Celui de sentir un auteur enthousiasmé par son sujet et qui avoue entretenir depuis trente-cinq ans « une relation très personnelle » avec l’Afghanistan.
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