Cyber-développement

Inauguré en avril, le technopôle d’Ébène traduit la volonté des autorités de privilégier désormais les technologies de pointe.

Publié le 17 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Après le sucre, le textile, le tourisme et les services financiers, Maurice cherche à consolider ce que ses dirigeants appellent déjà leur « cinquième pilier de développement » : les technologies de l’information et de la communication (TIC).
Dans ce cadre, les autorités et les entreprises locales multiplient les offensives de charme en direction des firmes occidentales. Ainsi, le 20 septembre dernier, à Paris, la société Rogers Call Center, propriété du groupe mauricien Rogers et d’Axa Allemagne, organisait un séminaire pour présenter ses activités à une soixantaine de dirigeants de grands groupes français et internationaux. Dans son sillage, Daden Venkatasawmy, responsable du bureau parisien du Board of Investment (BOI) mauricien, la structure gouvernementale chargée de faire la promotion de l’île à l’étranger. Objectif : inciter les sociétés occidentales à délocaliser leurs activités de back-office (collecte et saisie de données par exemple), de centres d’appels et de développement de logiciels à Port-Louis, en les confiant à des sous-traitants.
En cinq ans, deux cents entreprises employant 3 500 personnes (0,6 % de la population active) se sont déjà spécialisées sur le créneau des TIC. Un chiffre qui ne satisfait pourtant pas les autorités, en quête d’une activité susceptible de « tirer » l’économie nationale, comme le firent naguère la culture sucrière et l’industrie de la confection.
Pour arriver à ses fins, le gouvernement n’a donc pas lésiné sur les moyens. Faisant valoir la rapidité et l’efficacité (120 gigabits par seconde) de son câble sous-marin en fibres optiques Safe (South Africa Far East), qui relie, depuis juin 2002, la Malaisie au Portugal via l’Afrique du Sud, il met aussi et surtout en avant les avantages comparatifs de son territoire, et notamment une législation sociale loin d’être contraignante : salaires quatre à sept fois moins élevés qu’aux États-Unis et qu’en Europe occidentale, charges patronales de 6 % seulement, contrats de travail flexibles et absence d’allocations chômage. Un atout qui prend d’autant plus de valeur que la main-d’oeuvre mauricienne, jeune et bien formée, souvent bilingue (français-anglais), exécute un travail d’une qualité équivalente à celle exigée dans les pays développés.
Les mesures fiscales sont, elles aussi, des plus encourageantes, puisque les entreprises des TIC sont, entre autres, exonérées d’impôt sur le revenu jusqu’en 2008 et qu’elles n’y seront soumises qu’à hauteur de 15 % par la suite. Quant au cadre légal qui réglemente l’exercice de la profession, il est plutôt rassurant : plusieurs lois votées en 1997, 2000, 2001 et 2003 protègent la propriété intellectuelle, la transmission des données et le commerce électronique, et doivent permettre de lutter contre la cybercriminalité. Une spécificité que les autorités mauriciennes entendent bien exploiter face à la concurrence indienne, New Delhi n’ayant voté aucune loi dans ce sens pour l’instant.
Le BOI n’oublie pas non plus de vanter la stabilité économique de l’île depuis son indépendance, en 1968. « Maurice a connu une croissance régulière de 5,7 % par an en moyenne ces vingt dernières années », souligne Daden Venkatasawmy.
Reste quand même quelques interrogations sur le choix des TIC pour soutenir le développement. La première concerne le manque de structures de formation adaptées à ces technologies sur l’île. Chaque année, des centaines de jeunes Mauriciens préfèrent s’exiler en Europe, en Amérique ou en Asie pour se former aux emplois disponibles dans ce secteur… et s’installent souvent là-bas, une fois leurs études achevées. L’État, qui a pris conscience du problème, s’attache à trouver une solution. Son projet phare en la matière réside dans la cybercité d’Ébène, inaugurée en avril dernier. Ce complexe de plus de 30 000 m2 se veut un technopôle ultramoderne tourné vers l’accueil des professionnels du secteur, dans lequel se trouve un « Corridor du savoir » qui a pour mission de former les Mauriciens aux TIC.
Quid également de la concurrence féroce qui sévit dans la filière ? Le Maroc, la Tunisie ou l’Inde ont flairé, il y a plusieurs années déjà, la manne que pouvait représenter l’externalisation des activités de back-office et de centres d’appels. Et profitent, de ce fait, d’une longueur d’avance sur l’île… « Nous ne cherchons pas à être numéro un, se défend Daden Venkatasawmy. Nous misons plutôt sur un service de meilleure qualité. Chez nous, la bureaucratie est moins lourde, et le turn-over dans les entreprises, moins important. Quant au climat politique, il est on ne peut plus sûr. En trente-sept ans d’indépendance, nous sommes restés un pays calme, loin des zones de tension de la planète », rassure encore celui-ci en faisant référence à la poussée des intégrismes religieux au Maghreb. Certes. Mais malgré un décalage horaire de deux heures seulement par rapport à la France et dix-sept liaisons aériennes Paris/Port-Louis par semaine, Maurice reste à onze heures d’avion des grandes capitales européennes. Le Maghreb, lui, n’en est qu’à trois.

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