L’économie béninoise, côté pile et côté face…

Côté face, une croissance soutenue, une inflation et une dette faibles, des finances publiques en ordre. Côté pile, un système fiscal inefficace et une corruption endémique.

Le train qui reliera dans deux ans Niamey et Cotonou est financé par le groupe français Bolloré. © Bourema Hama/AFP

Le train qui reliera dans deux ans Niamey et Cotonou est financé par le groupe français Bolloré. © Bourema Hama/AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 5 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Avec une croissance annuelle qui semble durablement accrochée au-dessus de 5 % et des prix très sages, on ne peut pas dire que l’économie béninoise se porte mal. Et pourtant, elle semble frappée de langueur. La part très importante qu’y occupe le secteur informel empêche de jauger précisément l’état de santé des entreprises et l’évolution du pouvoir d’achat des familles ainsi que de comprendre les raisons pour lesquelles celles-ci n’ont pas un moral d’acier. Oui, le Bénin se développe, mais cahin-caha.

Avec une croissance démographique de 3,5 % par an, il reste peu de choses à partager des 5,5 % de croissance réalisés chaque année depuis 2012. Et pour peu que la corruption et le favoritisme s’approprient une bonne part du gain restant, les plus pauvres n’obtiennent que les miettes de ces progrès modestes, et la misère ne recule pas.

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JA2785p070 info1float: left;" />« Au mieux, les chiffres d’affaires des sociétés sont généralement stables, car les carnets de commandes ne sont pas bien garnis, explique Gilles Ahouanmenou, directeur du bureau Deloitte pour le Bénin. Cette tendance pourrait être inversée avec davantage d’investisseurs internationaux. Ils insuffleraient plus de dynamisme au pays. » Et il est vrai que les capitaux étrangers ne se bousculent pas pour investir dans un secteur agroalimentaire pourtant prometteur ou dans des partenariats public-privé avec l’État.

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Le lancement de la fameuse boucle ferroviaire Bénin-Niger-Burkina-Côte d’Ivoire, dont tout le monde attend un surcroît d’échanges, ne doit pas faire illusion : la mauvaise qualité généralisée des infrastructures de transports et l’énergie resteront longtemps des goulots d’étranglement pénalisant une croissance par ailleurs handicapée par les finances publiques, les recettes douanières du port de Cotonou, le coton et la corruption.

Impôts

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Les finances publiques ont valu au gouvernement les félicitations du Fonds monétaire international (FMI). Les déficits sont en baisse, et la dette est la plus basse de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Malheureusement, le système fiscal n’est pas performant, et les impôts rentrent mal. En effet, la taille réduite du secteur formel a conduit les gouvernements successifs à alléger le fardeau fiscal de ce secteur en créant des exonérations… qui raréfient les recettes de l’état.

Les finances du Bénin se trouvent dès lors encore un peu plus dépendantes des recettes douanières et donc du fonctionnement du port de Cotonou, pivots de l’économie béninoise. Enjeu de la bataille qui a opposé, il y a deux ans, le président Boni Yayi et l’homme d’affaires Patrice Talon, le système portuaire avait été confié à la société SGS, associée au businessman.

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JA2785p070 info2La désorganisation qui a suivi cette lutte a conduit à reconsidérer cette option, à renforcer les capacités des douanes et à intensifier les contrôles après dédouanement. L’amélioration du port et de sa gouvernance semble en bonne voie. Reste que 80 % des marchandises importées sont réexportées vers le Nigeria et que cette dépendance lie dangereusement le Bénin aux soubresauts politiques et économiques qui affectent chroniquement son grand voisin.

Par ailleurs, deuxième source de richesse du pays, la production de « l’arbre à laine », le coton, monte trop lentement en puissance. La gestion par zones, qui a réussi au Burkina Faso, n’est toujours ni mise en application ni même expérimentée… C’est donc le gouvernement qui a continué de gérer le secteur cotonnier durant la campagne 2013-2014.

JA2785p070 info3Secteur informel

La corruption ne recule guère, et il est toujours aussi compliqué de gérer une entreprise au Bénin où la concurrence du secteur informel est redoutable. Créations bienvenues, mais à confirmer : un guichet unique pour accélérer le processus de création des entreprises et trois chambres spécialisées au sein du tribunal de Cotonou, destinées à accélérer le règlement des litiges commerciaux.

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La France a perdu sa place de premier fournisseur du Bénin au profit des États-Unis. Cet événement ne serait qu’anecdotique s’il ne s’expliquait par un afflux d’importations de matériel américain de forage pétrolier. Trouver des hydrocarbures dans le golfe de Guinée serait une bénédiction et, surtout, une occasion de diminuer le déficit commercial et de diversifier une économie encore embryonnaire, à condition que le gouvernement sache user de cette rente avec sagesse.

Mais ne rêvons pas : les outils de recherche pétrolière sont là ; les gisements pas encore. Le gouvernement ne pourra pas éviter de réformer le port de Cotonou et la filière coton, comme l’en prient avec insistance les bailleurs de fonds.

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