Totems, tribus et élections

Publié le 18 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Les élections législatives marocaines ont été suivies avec attention aux Pays-Bas. Il y a eu des programmes à la radio et à la télé, des reportages, des envoyés spéciaux, etc. C’est très flatteur. Il y a quelques années, les gens d’ici croyaient que notre Parlement se réduisait à une grande tente sous laquelle les caciques se réunissaient à la pleine lune pour discuter du pâturage des chameaux ou des horaires de la chasse au lion. Mais les choses ont changé et voilà qu’au pays de Rembrandt on a admis qu’il y avait une certaine modernité dans la vie politique d’outre-Méditerranée.
Cela dit, il y a encore beaucoup de progrès à faire. À côté de correspondants très compétents, il y a aussi des farfelus du genre « Tintin au Congo » qui ont écrit des articles assez extraordinaires. J’en ai rencontré un, par exemple, qui croyait que les symboles des partis politiques étaient des totems. Le pauvre homme n’a pas compris que dans un pays où (hélas !) le taux d’analphabétisme est très élevé, il était nécessaire de passer par des images au lieu de mots pour désigner les partis.

Donc, il voulait faire une étude sociologique sur les totems, comme si nous étions des Indiens (je me hâte de dire que je n’ai rien contre les Indiens, peuple dont la valeur et la dignité sont bien connues – mais, enfin, il y a des Cherkaoui chez nous, pas des Cherokee ; des Abbas, pas des Apaches, etc.). Et voilà Tintin en train de me demander pourquoi telle tribu avait comme totem la lampe à huile. Bon, ça, c’était facile, j’ai vécu longtemps du côté de Sidi Bennour, c’est sans doute le clan local qui utilise ce totem : an-nour signifie « la lumière que diffuse – chichement – la lampe », Bennour sont donc les gens du rai de lumière, et n’oubliez pas de voter pour eux.
Le chameau est le totem d’une tribu d’hommes bleus du grand Sud, notre ethnologue en herbe a deviné ça tout seul et il en est très fier. Le tracteur est celui de gens qui vivent de l’agriculture intensive, c’est clair. Là, Tintin a quand même tiqué : avec un totem pareil, cette tribu n’existe pas depuis longtemps, non ? Il a fallu lui expliquer que les tribus ont le droit de changer de totem à chaque génération. Celle-ci a remplacé le bon vieil araire par un superbe Massey Ferguson. On n’arrête pas le progrès.

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La rose, lui ai-je expliqué, est le totem de Kalâat M’gouna, où se déroule un joli festival, un moussem, consacré à cette belle fleur. Mais – et ce peut être source de confusion – c’est aussi le symbole des fiancés d’Imilchil. C’est une tribu, ça ? m’a-t-il demandé, au comble de l’étonnement.
La colombe ? C’est un ensemble de tribus qui vivent là-haut sur la montagne et avec lesquelles on ne peut correspondre que par ce moyen-là. Même le vote se fait par pigeon voyageur. Assermenté, bien sûr. Tintin a noté avec application.
Finalement, j’en ai eu assez de ce bonhomme et j’ai quitté le petit café d’Amsterdam où il m’avait coincé entre deux tables. Il n’est pas sûr que son étude sera publiée un jour, car les journaux sont très sérieux, ici. Dommage. De tous les articles consacrés aux élections marocaines, le sien aurait été le plus poétique

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