Sous le signe des jumeaux

Les élections législatives anticipées d’octobre mettront-elles fin au règne ubuesque des frères Kaczynski ? Rien n’est moins sûr.

Publié le 18 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Après l’autodissolution du Parlement polonais, le 7 septembre, des élections législatives devraient se tenir le 21 octobre, ce qui mettrait fin, au moins provisoirement, au règne agité du Premier ministre Jaroslaw Kaczynski, qui est probablement la personnalité politique la plus marquante de la Pologne postcommuniste – il éclipse même son jumeau Lech, le président.
Son départ ne se fait pas sans vagues. Il est marqué par l’arrestation spectaculaire de son ex-ministre de l’Intérieur et la mise en examen de l’un des chefs d’entreprise les plus riches du pays, preuve, selon Jaroslaw, de l’existence d’un réseau souterrain contrôlant le pays. Ces deux « coups d’éclat » sont le couronnement des deux années tumultueuses qui ont suivi la victoire inattendue du parti des frères jumeaux, Droit et Justice (PiS), aux élections législatives et présidentielle. « Le PiS s’est attaqué à des problèmes très importants lorsqu’il a pris le pouvoir, mais les remèdes ont été pires que le mal », explique Igor Janke, éditorialiste du quotidien Rzeczpospolita.
Élevés par leur mère, Jadwiga, dans un climat de nationalisme et d’anticommunisme, Jaroslaw et Lech sont fondamentalement convaincus que le pays ne s’est pas complètement dégagé du communisme lors de la transition de 1989. Tous les maux qui affligent la Pologne – corruption, inefficacité de la bureaucratie, manque de perspectives – découlent de ce péché originel.
Après leur rupture avec Tadeusz Mazowiecki, le premier chef de gouvernement de la Pologne postcommuniste, puis avec Lech Walesa, le président d’alors, les deux Kaczynski, jugés incontrôlables, ont été mis à l’écart par leurs anciens partenaires. Les hommes au pouvoir se sont employés à faire adopter des réformes à l’intérieur et à faire admettre la Pologne dans l’Otan et dans l’Union européenne (UE) à l’extérieur. Pendant ce temps, les deux frères sont restés enfermés dans le monde où ils vivaient du temps de l’opposition anticommuniste – un brouillard claustrophobique de partis politiques évanescents, de querelles et de rivalités personnelles qui n’avaient aucune influence sur le cours des événements. « Ils se sont convaincus qu’ils détenaient la vérité, qu’ils étaient entourés d’ennemis et qu’il ne sert à rien de faire des compromis », raconte Lena Kolarska-Bobinska, la présidente de l’Institut des affaires publiques où Lech Kaczynski faisait des conférences dans les années 1990. Cette mise à l’écart a exacerbé un peu plus leur susceptibilité. C’est ainsi que le président a refusé de participer à un sommet avec la France et l’Allemagne parce qu’un journal allemand l’avait comparé à une pomme de terre.
Les Kaczynski ont entamé leur retour au pouvoir en 2000, lorsque Lech a été nommé ministre de la Justice. La clé de leur victoire de 2005 a été le désastreux bilan de l’Alliance de la gauche démocratique des ex-communistes, déconsidérée par des affaires de corruption et de trafics d’influence. Une fois au pouvoir, Jaroslaw a mis toute son énergie à débarrasser la Pologne de ce qu’il appelait la « toile grise », un réseau de politiciens, de chefs d’entreprise, de malfrats et d’espions, qui, selon lui, dirigeaient le pays en coulisse. C’est pour cette raison qu’il s’est allié avec deux partis populistes peu fiables. Malgré le risque politique, il voulait former un gouvernement capable de démanteler les services de renseignements de l’armée – truffés, d’après lui, de communistes non repentis – et de créer un Bureau anticorruption, disposé à s’attaquer au mal au plus haut de l’État.
Des questions plus prosaïques, telles que la réforme fiscale, l’élimination des pesanteurs bureaucratiques qui paralysaient l’économie, la réduction des impôts, la construction de nouvelles routes et les privatisations étaient laissées de côté. Pour le Premier ministre, qui n’avait pas de compte en banque – il se servait de celui de sa mère -, l’économie venait bien après la politique et les intrigues de couloirs.
Formés par leurs années dans l’opposition, les Kaczynski faisaient confiance aux hommes, pas aux institutions. L’une de leurs premières initiatives a été de procéder à l’épuration de la fonction publique. Les entreprises et les institutions contrôlées par l’État, telles que les chaînes de télévision nationales et la Banque centrale, ont été passées au crible et leurs dirigeants remplacés par des fidèles. « Leurs idées étaient justes, mais ils faisaient de la politique une pure question de personnes », dit Lena Kolarska-Bobinska.
Malgré cette série d’affaires, Jaroslaw Kaczynski reste l’idole des militants du PiS, qui peut encore compter sur le quart de l’électorat et qui pourrait bien faire la meilleure campagne et sortir vainqueur des élections.

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