Qui est Chuckie Taylor ?

Accusé d’avoir commis des actes de torture, le fils de l’ancien dictateur sera jugé aux États-Unis, début 2008. Il risque la prison à vie.

Publié le 18 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

S’il est un homme qui doit maudire Lord of War, c’est le fils de l’ancien président libérien Charles Taylor. Dans ce film américain sur les trafiquants d’armes, qui a fait l’une des meilleures recettes de l’année 2006, Charles McArthur Emmanuel Taylor, alias « Chuckie » Taylor, y est dépeint comme un fils à papa cruel et immature qui se fait livrer à Monrovia un kalachnikov plaquée or Aujourd’hui, du fond de sa cellule de Miami, aux États-Unis, Chuckie écrit au juge : « Je suis victime d’une campagne de diffamation. Je suis décrit comme un cow-boy qui court les filles avec les poches pleines de diamants et une arme en or. Tout cela n’est que de la fiction. »

Pourtant, le fils de Charles Taylor est loin d’être un enfant de chur. Né en 1977 à Boston, au nord-est des États-Unis, il est élevé par sa mère, une étudiante vite délaissée par le futur chef de l’État libérien. Il grandit à Orlando, en Floride, où il se fait connaître une première fois des services de police pour tentative de vol. Puis il rejoint son père au Liberia en 1997. Le président nouvellement élu lui confie l’ATU (Anti-Terrorist Unit). En réalité, il s’agit d’une garde prétorienne chargée de traquer et d’éliminer les opposants par tous les moyens. Jusqu’à la chute de son père, en 2003, Chuckie Taylor fait enfermer des centaines de malheureux dans le camp de Gbatala, à une centaine de kilomètres de Monrovia. Et c’est l’enfer. Viols, tortures à l’électricité ou à l’eau bouillante, tabassages à mort et exécutions sommaires Un jour, son chauffeur, Isaac Gono, renverse un chien sur la chaussée. Sa voiture est éclaboussée par le sang de l’animal. Il fait frapper le chauffeur jusqu’à ce que mort s’ensuive. Un autre jour, un officier de police, Fitzgerald Vimplet, l’arrête sur la route de l’aéroport. Il l’abat à bout portant. Émoi à Monrovia. Le père est embarrassé. Il organise des funérailles nationales pour l’officier et fait savoir que le pauvre homme est mort après avoir percuté le rétroviseur du véhicule de son fils
Certes, Chuckie Taylor est un enfant mal élevé que rien n’arrête – comme tant d’autres fils de chefs d’État, Oudaï Hussein, Saadi Kadhafi, Nyimpine Chissano – mais pas seulement. Jusqu’en 2003, il a été, aux côtés du chef d’état-major Benjamin Yeaten, l’une des pièces maîtresses de l’appareil répressif de Charles Taylor. Les dernières années du régime, il négociait aussi des livraisons d’armes avec des trafiquants de tous poils, comme le raconte Lord of War. À Monrovia, il menait grand train. On lui prêtait de multiples aventures féminines
Après 2003, tout déraille. Il s’enfuit, sans doute aux Caraïbes. Et très vite, il manque d’argent. Par téléphone, il harcèle sa mère et ses cousins restés aux États-Unis pour qu’ils lui envoient des mandats. Puis, en mars 2006, il se résout à rentrer dans son pays natal, au risque de se jeter dans la gueule du loup. Profitant de sa nationalité américaine, il se présente à l’ambassade des États-Unis à Trinidad et Tobago et fait renouveler son passeport. Mais il cache sa véritable identité – son père est alors sur le point d’être livré par le Nigeria à la justice internationale. Il déclare « Steven Daniel Smith » au lieu de « Charles Taylor ». C’est la faute. Deux semaines plus tard, il débarque à Miami et est aussitôt arrêté. On ne plaisante pas avec l’administration américaine. Surtout, on ne lui ment pas.
Aujourd’hui, le piège se referme sur Charles Taylor junior. En décembre 2006, il a été inculpé par un tribunal fédéral de Miami pour un premier cas de torture. Depuis, six nouvelles plaintes sont tombées. Le dossier d’accusation décrit en détail plusieurs cas de torture et de meurtre qu’il aurait dirigés ou ordonnés entre avril 1999 et juillet 2003. Une victime aurait été placée nue dans une fosse et recouverte de fourmis rouges Le 10 septembre, lors d’une audience préliminaire, Chuckie Taylor a plaidé non coupable. Le procès est prévu début 2008. Comble de malchance pour lui, Charles Taylor junior va essuyer les plâtres d’une loi votée par le Congrès en 1994, mais jamais appliquée depuis. Désormais, la justice américaine peut juger des citoyens américains qui auraient commis des actes de torture à l’extérieur des États-Unis. Pour les défenseurs des droits de l’homme, ce procès doit être exemplaire. Chuckie Taylor risque la prison à perpétuité.

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