Pourquoi un nouveau rendez-vous manqué

Le retour raté de l’ex-chef rebelle Ntumi à Brazzaville ne risque-t-il pas de compromettre le dialogue engagé avec le pouvoir ?

Publié le 18 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Ce devait être un grand jour. Ce ne fut qu’une débandade générale. Frédéric Ntumi Bintsamou n’a pas mis le pied à Brazzaville le 10 septembre. Le chef de l’ancienne rébellion du Pool, dans le sud du pays, n’a pas non plus pris ses fonctions de délégué général à la présidence, chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre. Sa marche vers la capitale s’est arrêtée à Madibou, à 10 km de Brazzaville, les autorités ayant refusé de lui donner le feu vert. Dépité, le pasteur a regagné son refuge de Kimba. Tout est à recommencer. Depuis, les responsables du Conseil national des républicains (CNR), le parti de Ntumi, et le gouvernement se rejettent mutuellement la responsabilité de ce rendez-vous manqué.
Selon Alain Akouala Atipault, ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement, « le ministre Ntumi Bintsamou [il a rang de ministre délégué, NDLR] n’a pas respecté la feuille de route établie de commun accord ». À en croire Akouala Atipault, le leader du CNR avait fixé unilatéralement la date du 10 septembre, acceptée par le gouvernement « dans un but de conciliation ». Mais c’est « l’afflux de ses partisans » vers Brazzaville qui a inquiété les services de sécurité. Pourtant, le 8, une délégation gouvernementale l’a rencontré à Vouanga, à 35 km de la capitale.
C’est là qu’auraient été arrêtées les modalités pratiques de son retour : attente à Mabaya avec, « à titre exceptionnel », trente gardes du corps choisis parmi ses ex-combattants déjà intégrés dans l’armée nationale, avant qu’une délégation composée de membres du gouvernement, du doyen du corps diplomatique (l’ambassadeur du Gabon, dont le pays a joué un rôle dans la médiation), du nonce apostolique, de l’archevêque de Brazzaville et de l’évêque de Kinkala ne vienne le chercher. Ensuite, départ pour la capitale, avec un arrêt au Centre sportif de Makélékélé (premier arrondissement de Brazzaville) pour quelques mots à ses partisans. Enfin, arrivée à la présidence pour la prise de ses fonctions et la remise d’une enveloppe contenant « des moyens financiers », de « trois voitures de fonction avec chauffeur ». Ayant refusé d’habiter à l’hôtel, parce que sa résidence officielle n’est pas encore prête, Ntumi devait ensuite regagner le Pool avec l’option, en attendant, de faire régulièrement des allers-retours.
Mais le 10, le leader du CNR s’est rapproché de Brazzaville, au point de se retrouver à Madibou, à 10 km de là, entouré, selon la version officielle, de 300 à 500 hommes armés et de 3 000 à 5 000 personnes venues du Pool. Certains de ses hommes se seraient même installés en face de « sites stratégiques ». C’est cela qui aurait poussé le Premier ministre, Isidore Mvouba, à annuler tout ce qui avait été prévu, pour des « raisons de sécurité ». Le survol de la foule par des hélicoptères a provoqué un mouvement de panique. Selon le CNR, il y aurait eu 15 morts. Ce que dément le gouvernement.
Franck-Euloge Mpassi, porte-parole de Ntumi, estime pour sa part que le gouvernement « a minimisé Ntumi » en refusant de tenir compte de l’« exceptionnalité » (sic) de sa personne. S’agit-il, en fin de compte, d’un simple malentendu ou d’une volonté de l’une ou l’autre partie de saboter le processus de normalisation de la situation de l’ex-chef rebelle ? Le porte-parole du gouvernement parle de « barrière psychologique ». Un ancien Ninja exprime plutôt la désillusion de ses camarades : « Nous sommes mécontents parce qu’on pense que nous sommes toujours dans une logique de guerre. Si nous avons accompagné par milliers notre chef, c’est parce que nous voulions montrer l’importance de son entrée en fonctions. Nous étions avec nos femmes et nos enfants, prêts à aller fêter l’événement à Brazzaville. Mais on nous en a empêchés alors que nous n’étions pas armés. »
Préoccupations sécuritaires pour les autorités congolaises et envie, de la part de ses partisans, de saluer en héros Ntumi rentrant dans la ville qu’il a quittée en 1997 Deux logiques opposées qui ont abouti à la cacophonie du 10 septembre. Les fils du dialogue ne sont pas pour autant rompus, quitte à délocaliser une cérémonie de prise de fonctions tant attendue.

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