[Chronique] Niger : le dinosaure de la discorde à Niamey
La construction d’une statue de dinosaure sur un rond-point de la capitale nigérienne a suscité moqueries et indignations sur les réseaux sociaux. Les autorités municipales viennent de faire marche arrière.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 19 mai 2020 Lecture : 2 minutes.
Par un communiqué publié ce samedi, la ville de Niamey suspendait la construction d’un monument au rond-point Gadafawa. L’érection du dinosaure massif était pourtant bien avancée. Mais un tsunami de critiques, sur les réseaux sociaux, a eu raison du projet d’urbanisme.
Le choix du sauropode était légitime, la sous-espèce éteinte faisant partie intégrante de l’histoire nigérienne depuis la localisation puis la découverte de restes d’un tyrannosaure, dans la région d’Agadez, par le paléontologue Philippe Taquet. Les ossements sont encore visibles au Musée national Bounou-Hama de Niamey, de même qu’une réplique à l’aéroport Diori Hamani. En 2005, la mascotte des Jeux nigériens de la Francophonie était d’ailleurs le dinosaure « Jobaria ». Mais la statue de Yantala ne passait pas…
« T’as jamais vu un T-Rex peul ? »
Les critiques virales étaient de différentes natures, tantôt vindicatives, tantôt moqueuses. Laissons de côté les débats sur les origines supposées des artistes et passons rapidement sur le vœu de voir « l’argent de pauvres citoyens » financer de l’aide alimentaire plutôt d’une statue.
Certains internautes s’en sont d’abord pris à l’esthétique du monument et à la dissemblance avec l’animal aujourd’hui disparu. « Mon fils de 4 ans qualifie cette caricature d’oiseau », se gaussait un commentateur, auquel un autoproclamé spécialiste répondait : « Sachez que dans la grande famille des dinosaures, il y en avait (…) tant effectivement qui ressemblaient à des oiseaux. C’est comme l’espèce humaine ». Un dessin humoristique représente, lui, l’animal tout efflanqué qui se défend : « T’as jamais vu un T-Rex peul ? »
#Niger : Sous la pression des internautes, se stoppe l'édification à #Niamey d'un #monument qui a pris les allures d'un gros lézard au lieu du dinosaure recherché. Cet arrêt s'opère au grand dam de qlq zelotes qui ont voulu défendre ce projet bâclé. Les #médiasociaux règnent. pic.twitter.com/Mzhn3lxytU
— DSaidou (@DjibrilSaidou) May 16, 2020
Le clou de la risée a été enfoncé par la vindicte spirituelle. Sur le forum d’un journal en ligne, un lecteur donnait une leçon de foi : « Édifier une statue est haram, c’est interdit en islam » dans un pays qu’un autre rappelle composé de « 90% de musulmans ». Et de souligner que même disparus, les dinosaures sont des « des créatures de Dieu » et qu’il aurait fallu « demander des conseils aux oulemas ».
Dans le communiqué de samedi, la Délégation spéciale de la ville de Niamey a donc rendu hommage à la « volonté de bien réussir » des sculpteurs, remercié les citoyens pour leur « leurs implications toujours nécessaires » et « stoppé la construction de ce dinosaure en attendant de réfléchir sur la conduite à tenir ». Il en est ainsi des sculptures au Sahel connecté. Le dimanche 17 mai, les autorités du Burkina Faso voisin ré-inauguraient une statue de Thomas Sankara que les internautes avaient d’abord jugée « plutôt ressemblante au Guinéen Dadis Camara ».
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