Réponses savantes à des questions importantes

Publié le 18 juillet 2006 Lecture : 5 minutes.

J’ai rassemblé ci-dessous des réponses à quelques-unes des questions liées à l’actualité et que beaucoup d’entre nous se posent, parce que le sujet les intéresse, influe sur leur vie ou affecte leurs projets.
Les réponses ne sont pas les miennes. Mais, chaque fois, celles des personnalités qui connaissent le mieux le sujet concerné. Si je les ai choisies, c’est qu’elles expriment ma pensée : je ne dirais pas autre chose et ne pourrais le dire mieux.
1. Sommes-nous condamnés au pétrole cher ?
Le prix de cette matière première, dont nous ne pouvons plus nous passer, va-t-il se maintenir au niveau – prohibitif – qu’il a atteint depuis le début de cette année : 70 dollars le baril, un peu plus, un peu moins ? Sera-t-il encore plus cher ? Ou bien le verrons-nous redescendre en dessous de 50 dollars ?
Je suis persuadé, pour ma part, que le pétrole sera moins cher l’année prochaine que cette année, et j’ai été heureux de noter que plusieurs experts, et non des moindres, penchent fortement pour cette hypothèse. J’en cite trois :
– Robert Feldman, économiste en chef, Morgan Stanley Japon, est prudent :
Le prix du baril pourrait redescendre à 40 ou 50 dollars si étaient réunies – rapidement – les six conditions suivantes : découvrir de nouvelles réserves de pétrole ; réduire les délais de sa commercialisation ; développer les énergies alternatives ; progresser dans la protection de l’environnement ; résoudre la question iranienne ; combattre l’élasticité de la demande mondiale. Les cours du pétrole seraient beaucoup plus prévisibles si des avancées significatives étaient enregistrées dans tous ces domaines. Cela dit, les prix de l’énergie resteront malheureusement instables pendant encore un certain temps.
– Le président de British Petroleum, John Browne, et celui de Shell, Jeroen Van der Veer, sont plus nets :
Nous ne donnerons pas un chiffre précis. Mais nous croyons vraiment que les prix du pétrole seront sensiblement moins élevés que ceux d’aujourd’hui aux alentours de 40 dollars le baril, peut-être même entre 25 et 30 dollars.

2. Que faut-il penser de la guerre contre le terrorisme (déclenchée il y a près de cinq ans), celle d’Irak (qui se poursuit depuis plus de trois ans) ?
Ici, je donne la parole à un universitaire américain, Francis Fukuyama, qui a atteint une notoriété internationale en parlant, en 1991, lors de la chute du communisme, de « la fin de l’Histoire ». Il a été un moment séduit par l’activisme de George W. Bush, mais en est revenu. Voici son diagnostic :
La guerre d’Irak ? Une réponse démesurée à une menace exagérée.
Les terroristes islamistes ? Ils ne sont pas aussi redoutables qu’ils le paraissent. S’ils posent problème aux Américains, c’est à leurs services secrets, pas à leur politique étrangère. L’administration Bush n’a pas seulement concentré à tort tous les moyens du pays contre cette cible, quand d’autres hésitaient ; elle a adopté une position unilatérale qui l’a éloignée de ses alliés et des institutions internationales, qui a aggravé l’instabilité au Moyen-Orient et jeté le doute sur ses bonnes intentions. Le terrorisme islamiste est une menace exagérée.

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3. Comment l’Histoire jugera-t-elle Tony Blair et George W. Bush, principaux responsables de cette invasion de l’Irak, qui tourne à la tragédie ?
Réponse d’Antony Beevor, 60 ans, ancien officier supérieur britannique devenu auteur d’ouvrages militaires de grande renommée. Il a écrit, entre autres, Stalingrad et La Chute de Berlin :
L’Histoire juge les gens en fonction de leur succès ou de leur échec, non forcément en fonction de leurs principes moraux. Le succès ou l’échec de Tony Blair et de George W. Bush dépendra en grande partie de ce qui va advenir de l’Irak. Je suis très pessimiste, parce que je pense que, là-bas, le pire est à venir. L’hypothèse qui m’effraie depuis toujours – le déclenchement d’une guerre civile dont nous serions responsables – peut encore se produire. Si tel est le cas, l’Histoire pourrait considérer la guerre en Irak comme l’un des plus grands désastres du début du XXIe siècle.
(Voir pp. 20-29 l’interview d’un autre grand connaisseur : Lakhdar Brahimi.)

4. L’Europe est en panne. Peut-elle agir, parler d’une seule voix et se faire entendre ? Que doit-elle faire ?
Le mieux placé pour répondre à cette difficile question est, à mon avis, Joschka Fischer, le plus grand ministre des Affaires étrangères que l’Allemagne ait eu depuis 1945. Il vient de quitter son poste et de recouvrer une grande liberté d’expression. Voici ce qu’il recommande aux Européens : c’est un bon analyste et un visionnaire qui s’exprime.
– Nous, Européens, sommes impliqués au Moyen-Orient, que nous le voulions ou non. À cause de l’histoire comme de la géographie. Et pas seulement les pays méditerranéens comme la France. L’Allemagne aussi. C’est pourquoi l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne est une question stratégique centrale dans nos rapports avec le monde musulman.
En Irak, notre crainte commune, aux Français et aux Allemands qui étions opposés à la guerre, était que les États-Unis échouent. Or, qu’ils partent ou qu’ils restent, ils sont aujourd’hui dans une situation « perdant-perdant » et nous en subirons les conséquences, que nous ayons été pour ou contre la guerre.
– Il nous faut nous libérer de l’opportunisme et du populisme, ajoute-t-il, trouver une solution négociée à la crise du nucléaire iranien, favoriser la démocratisation du Liban, offrir une perspective européenne à la Turquie et une possibilité de changement en Égypte, soutenir la politique d’ouverture au Maroc. Voilà ce que devraient être les grands thèmes d’une politique européenne. L’Europe ne fait pas assez. []
– L’Afghanistan ? Ce pays exige un engagement à long terme. Si vous cherchez la racine de la crise actuelle dans ce pays, allez au Pakistan.

5. Jacques Chirac se dit l’avocat de l’Afrique et un apôtre de l’aide au développement. Quel est, dans ce domaine et à dix mois de la fin de son parcours, le bilan réel du président français ?
Plutôt décevant, à mon avis, tant il est vrai que Jacques Chirac a pour habitude de beaucoup promettre et de peu tenir.
La démonstration en a été faite par Dominique Strauss-Kahn dans son dernier livre. Certes, DSK est un opposant à Jacques Chirac, mais cet ancien ministre de l’Économie et des Finances de Lionel Jospin sait reconnaître les mérites de « l’autre camp ».
Et il connaît le système de l’intérieur :
L’idée (chiraquienne) d’une taxe sur les billets d’avion, dont le produit serait destiné à financer le développement, est séduisante. Une taxe de ce type, même d’un faible montant, peut rapporter beaucoup d’argent. Elle peut être mise en uvre par des pays pionniers, sans attendre que toute la communauté internationale se mette d’accord. Elle fait porter aux principaux bénéficiaires de la mondialisation – ceux qui font des voyages internationaux – le financement des principales victimes – les pays pauvres.
Oui, l’idée est séduisante, mais Jacques Chirac est peu crédible pour la porter. L’aide publique au développement de la France s’est limitée à 0,4 % du PIB en 2004. Et encore ce chiffre est-il trafiqué : on y comptabilise sans vergogne des annulations de dette surévaluées, les frais d’accueil des étudiants étrangers, et même les frais d’accueil des réfugiés.
Les réfugiés, c’est bien connu, vont contribuer au développement de leur pays d’origine On est en tout état de cause loin de l’engagement de consacrer 0,7 % du PIB à l’aide au développement que nous avions pris à l’ONU. Encore plus loin des efforts consentis par le Danemark (0,9 %), la Suède (0,8 %) ou les Pays-Bas (0,75 %).

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